Jus

Der­rière l’hô­tel Sen­a­tor, un marché de deux étages aux allures tristes. Un camion décharge de la viande, un cor­don­nier prend le soleil sur le pas de porte. La rampe d’escalier est décorée d’un tableau peint à l’huile: une nature morte datée de 1982. Il a son cadre, il tient à un clou. Les échoppes sont dis­tribuées en car­rés. Out­re les marchands de légumes, de marée et de volaille, une bou­tique de sous-vête­ments pour ouvri­ers et un bar chi­nois qui sert des pâtes au riz. Der­rière le comp­toir, les dames ont la même atti­tude qu’à Kotha Baru ou Sat­un. En face, trois Mex­i­caines pressent des jus frais. Je passe com­mande. La plus grande monte sur un tabouret et me fait répéter — le tabouret com­pense le cou qu’elle n’a pas.
- Carotte, carotte rouge, céleri.
La Mex­i­caine saute au sol. Elle far­fouille dans une caisse, place le tabouret devant le per­co­la­teur, jette les légumes dans le per­co­la­teur, puis rap­porte le tabouret, monte dessus, me tend un grand verre de plas­tique couleur de sang:
- Eh bien, ça vous fera 1 Euro.