Sainte-Beuve, illustrant son propos sur la présomption chez les jeunes gens d’une citation extraite des Dialogues de Sénac de Meihlan (je ne connais pas, je reprends tel quel). “L’homme [] quand il est jeune [] ne se connaît pas et se croit un être curieux et rare.“
Heureusement, car ce défaut venant aujourd’hui à manquer, l’affolement gagne! De quoi se nourrira en effet la critique chez l’adulte si elle ne peut se fonder sur le démenti des illusions? Quelle enthousiasme, quelle naïveté porteront le jeune vers l’avenir s’il tombe dans l’âge avant d’avoir vécu? Avant de se donner raison, il faut qu’il erre! Rien de plus inquiétant, de plus urgent à traiter que cette vampirisation de la jeunesse! L’écrivaine dont je corrige le travail (elle a vingt-trois ans) me disait par exemple après lecture de la pièce de théâtre Art de Yasmina Réza (texte populiste que je lui donnais à lire pour l’interroger sur sa propre écriture):
- Je n’aime pas. D’ailleurs, elle dit pleine de choses! Moi, je ne dis rien!
Et par rien, il faut entendre: ce qui me passe par la tête, c’est-à-dire ce qui, passant par la tête, est logiquement venu de l’extérieur et y retournera; en d’autres termes, un produit de l’industrie.