La première chose que dit Monfère en se levant:
- C’est énorme! Combien de kilomètres il peut y avoir?
Je lui prends la carte de la main. Il est prévu de rejoindre Tordesillas, dans la province de Valladolid, en passant par Palencia. Je hausse les épaules. J’ai imaginé les étapes en quelques minutes, assis à mon bureau de Fribourg, une bière à a la main. Or, ce matin, à neuf heures, il fait déjà trente degrés. Comme s’il s’agissait de gagner du temps, nous partons à grande vitesse. Je me place dans sa roue, nous suivons à 40km/h la ligne jaune qui sépare la bande d’urgence de la chaussée principale. Au premier village, sur un château d’eau condamné, une calicot annonce: non à la création d’une centrale à déchets. Ensuite, la route file par les vallons à travers des villages qui sentent l’écurie.
- Tu es sûr que c’est la bonne direction?
- Sûr!
Et dix minutes plus tard.
- Je préférerais vérifier.
- C’est juste, répète Monfrère.
Plus loin, comme la route passe au-dessus d’une autoroute, nous voyons que nous sommes partis au Nord-Est en direction de Léon.
Nous rebroussons chemin. De retour à l’hôtel, le compteur affiche déjà vingt kilomètres. En soirée, lorsque nous atteignons le Parador de Tordesillas, il affiche 170 kilomètres. Avant même que la mémoire ne fige le souvenir, j’ai la sensation d’avoir roulé huit heures d’affilée dans la lumière et la chaleur, sur des bandes droites, sans faiblir ni m’arrêter, convaincu de pouvoir continuer ainsi pendant des jours.