Vol de l’esprit

Dans un texte sur la tra­di­tion lit­téraire du “vol de l’e­sprit”, Hadot rap­porte que les pre­mières occur­rences non-métaphoriques de ce regard d’en haut, par exem­ple dans Le songe de Sci­p­i­on de Cicéron, sont liées au rêve, à une époque où, sem­ble-t-il, exis­tent déjà des ascen­sions de som­mets dans un but d’ob­ser­va­tion physique (Lucrèce) ou stratégique (Homère), mais pas de moyens tech­niques de vol­er, Dédale et Icare rel­e­vant du mythe. Ces dernières années, j’ai sou­vent pris note de rêves au cours desquels je domine l’e­space. Prof­i­tant d’une bonne sta­bil­ité du corps je piv­ote la tête et scrute. Nag­er en l’air, est l’ex­pres­sion qui con­vient le mieux pour décrire cet état. Cette expéri­ence répétée, sous une forme iden­tique, a con­sti­tué dans l’e­sprit une réserve d’im­ages qui me per­met à tout moment, dans la veille, de me fig­ur­er nageant dans les airs. Autant d’oc­ca­sions d’adopter des points de vue. Si, comme je le pense, ce rêve est arché­typ­ique, il aura aus­si été celui des Grecs et donc à l’o­rig­ine de cette morale du regard d’en haut. L’in­téres­sant serait de savoir si ce type d’ex­péri­ence onirique est liée à un tra­vail de la con­science sur soi ou si elle est com­mune à toutes les civilisations.