Terrestre

Le buf­fet du petit-déje­uner. Des toasts crus, du café refroidis­sant, du beurre fon­du: il n’y a pas d’élec­tric­ité. Il y a la wi-fi. Dans tous les hotels, il y a la wi-fi. Elle ne marche pas. Ce n’est pas un prob­lème tech­nique. Je retrou­ve dans le vestibule des voyageurs que j’ai croisé sur la route hier. Une famille de neuf per­son­nes. Des Chi­nois de Kuala Lumpur. Ils ont dû laiss­er leurs passe­ports au poste de Taichilekh. Ils ren­dent vis­ite à un par­ent. Ils ont dû dépos­er de l’ar­gent.
- Nous quit­terons le pays par le même chemin, explique fatal­iste le père de famille.
J’évoque mes vis­ites de la Malaysie. Nous sym­pa­thisons. Prof­i­tant de ce qu’il par­le la langue du chauf­feur, un local, je me ren­seigne sur la route pour Man­dalay. Quelques min­utes plus tard, dix per­son­nes dis­cu­tent l’af­faire. Le Malais ques­tionne le chauf­feur qui appelle la récep­tion­niste. Celle-ci appelle sa col­lègue qui va chercher le cuisinier (celui qui s’oc­cupe des toasts). Tous ont la même réponse:
- Par la route?
J’in­siste: pas d’avion, à Man­dalay par Taungyi.
Les expli­ca­tions vien­nent peu à peu: il n’y a pas de route. Il y a une route mais elle est dif­fi­cile. Elle est fer­mée. Per­son­ne pour dire: c’est inter­dit aux touristes. Je con­tin­ue d’in­sis­ter, puis je donne une infor­ma­tion.
- Il y a un bus.
Voici le cuisinier et les récep­tion­nistes soudain silen­cieux.
- C’est très long.
- Peu importe.
- Très très long.
- Oui (cepen­dant, je fais un rapi­de cal­cul de ce qui m’at­tend, le bus ayant roulé entre Tachileik et Kyang Tung à une vitesse moyenne de 30km/h).
- Au moins dix heures de route.
- Par­fait.