Pou ne prononce pas un mot en trois heures. Nous descendons la rivière. Il donne les ordres. Des fumées montent de la forêt. Un martin-pêcheur vole de rocher en rocher. Nous traçons des voies à travers trente rapides. Sur les parties calmes, parfois immobiles, nous ramons. Soudain, Pou raconte sa vie. Il commence, raconte, finit. Le soir et le lendemain, lorsque je le plaisanterai sur ce qu’il m’a dit, pas trace d’émotion sur son visage. Comme s’il ne comprenait pas. Ou que je parle d’un autre. L’histoire racontée, il n’y a rien à ajouter. Donc le voici qui se confie. Il me montre la photographie d’une femme sur un portable. Une chinoise.
Je l’ai amenée sur la rivière en décembre, me dit-il. Nous avons eu le coup de foudre. Elle est rentrée à Guangzhou. Elle m’a envoyé ce téléphone pour que je lui parle. J’ai écrit un message en me servant du traducteur. Je crois que ça n’a pas marché. Elle ne veut plus entendre parler de moi.
- Regarde, elle bloque tous mes appels. Ensuite, ma femme m’a mise à la porte. Maintenant, le mieux est d’attendre. Moi, je préfère être ici, sur la rivière.
- Et quand il n’y a plus d’eau?
- Je rentre dans mon village.
- Et tu fais quoi là-bas?
- Je brûle la forêt, je surveille les plantes et je m’occupe de notre grotte.
Je le fais répéter.
- Oui, nous vivons dans un village de grottes.