Pou 2

Pou ne prononce pas un mot en trois heures. Nous descen­dons la riv­ière. Il donne les ordres. Des fumées mon­tent de la forêt. Un mar­tin-pêcheur vole de rocher en rocher. Nous traçons des voies à tra­vers trente rapi­des. Sur les par­ties calmes, par­fois immo­biles, nous ramons. Soudain, Pou racon­te sa vie. Il com­mence, racon­te, finit. Le soir et le lende­main, lorsque je le plaisan­terai sur ce qu’il m’a dit, pas trace d’é­mo­tion sur son vis­age. Comme s’il ne com­pre­nait pas. Ou que je par­le d’un autre. L’his­toire racon­tée, il n’y a rien à ajouter. Donc le voici qui se con­fie. Il me mon­tre la pho­togra­phie d’une femme sur un portable. Une chi­noise.
Je l’ai amenée sur la riv­ière en décem­bre, me dit-il. Nous avons eu le coup de foudre. Elle est ren­trée à Guangzhou. Elle m’a envoyé ce télé­phone pour que je lui par­le. J’ai écrit un mes­sage en me ser­vant du tra­duc­teur. Je crois que ça n’a pas marché. Elle ne veut plus enten­dre par­ler de moi.
- Regarde, elle bloque tous mes appels. Ensuite, ma femme m’a mise à la porte. Main­tenant, le mieux est d’at­ten­dre. Moi, je préfère être ici, sur la riv­ière.
- Et quand il n’y a plus d’eau?
- Je ren­tre dans mon vil­lage.
- Et tu fais quoi là-bas?
- Je brûle la forêt, je sur­veille les plantes et je m’oc­cupe de notre grotte.
Je le fais répéter.
- Oui, nous vivons dans un vil­lage de grottes.