Hôtel Top North 3

Top North. Je me couche tôt, c’est-à-dire bien plus tard que les marchands de rue. Dès six heures, ceux-ci jet­tent des étoffes sur leurs char­i­ots. Ma cham­bre est à l’é­tage, au-dessus du canal, cloi­son­née de pan­neaux de car­ton. Une voix fémi­nine me tire du som­meil. Une femme hurle dans un télé­phone, juste là, sur le palier. Du bir­man. En tout cas, ce ni du chi­nois ni du thaï, langues que je recon­nais désor­mais sans peine. La dis­cus­sion se pro­longe. Dix min­utes, vingt min­utes. D’après le ton, je dirais que la femme se fait larguer. Je pousse une brail­lée. En français pour être plus effi­cace: ce qui est incom­préhen­si­ble effraie. La dis­cus­sion con­tin­ue. La voix s’est éloignée, mais le ton est le même. Inutile d’e­spér­er dormir. Sort de sa pièce un Mon­gol à face de lune. Je le regarde entre les lamelles de mon store. Il crie. Il tient un dis­cours. La femme, dis­paraît dans le couloir, dans l’escalier, dans le canal. Peu après, l’oc­cu­pant de la cham­bre voi­sine me réveille. Il est au télé­phone. Je tape con­tre la cloi­son. Lâche une bor­dée de jurons en français. Cela s’ar­rête. A sept heures, toutes ces bonnes gens ont quit­té l’hô­tel, les femmes de ménage dépla­cent des meubles.