Muni de mon tampon de sortie des douanes thaï, j’emprunte une passerelle bétonnée. Au-dessous, dans un vallon, un casino, des étals de fruits et des billets de loterie. A mi-distance, sur la passerelle, un local annonçant: office tourist. Je jette un oeil. Table basse, de bois, un fonctionnaire, une carte au mur. Devant moi, le couple danois qui hésitait devant les guichets côté thaï. Toujours aussi perdu, ils interrogent du regard du désemparé tout ce qui porte l’uniforme. Dans les parages, cela ne manque pas. J’en profite, je passe tout droit. Au bout de la passerelle, un tourniquet et des règlements en birman. Un grand maigre attrape mon passeport et signale à un couple furieux le tampon qu’il leur manque:
- Need, this!
Il s’excuse de brandir ainsi mon passeport pour preuve et le brandit encore devant la femme qui monte le ton.
- Need this, you no this!
Preuve étant faite, il me rend mon document et me tourne le dos. J’en profite. Je passe. Me voici de l’autre côté, parmi les conducteurs de tuk-tuk. Mais le grand maigre me rattrape. Les Danois n’ont pas avancé. Moi si, mais nous en sommes au même point. Les trouvant pareillement effrayés, je leur dis: — Ce n’est pas comme au Danemark ici! Il n’y a pas de méchants musulmans (un attentat intégriste a fait un mort quelques jours plus tôt à Copenhague)!
Le grand maigre prend dix dollars à chacun des Danois, tamponne mon passeport et nous ordonne de sortir. Les Danois ne bougent pas. J’emprunte pour la deuxième fois la passerelle. Et si je demandais au fonctionnaire qui tient l’office tourist? Mauvaise idée. Je le sais. Il ne faut jamais demander. Je demande. A peine ai-je fini d’articuler ma question, le type se lève et agite les bras:
- No bus Taungyi, no! You plane!
Je le remercie comme s’il venait de me rendre un grand service et je file le long de la passerelle tandis qu’il continue de crier: “plane! plane!“
Et voici mes conducteurs de tuk-tuk. Ils agitent des pancartes sous mon nez. Une pagode, une stupa, un étang, les merveilles qu’offrent la ville frontalière de Tachileik. J’explique que je veux aller à la gare routière. Il me fait répéter. Tandis qu’il réfléchit, j’entends un guide expliquer à vingt touristes réunis au pied d’un drapeau jaune: “nous nous retrouvons ici même dans une heure! Tout le monde a compris? Ici, dans une heure”. Cependant, mon conducteur a pris sa résolution. Il file en référer au grand maigre. Je m’éclipse. Dans la rue suivante, je trouve d’autres conducteurs de tuk-tuk. L’un d’entre eux m’installe et démarre. Au milieu d’une cour, à trous quartiers du poste frontière un bus entouré de caisses de bois, de ballots, de sacs de légumes et d’un moteur de tracteur. Une splendide birmane en habit de soie assise en plein air déchire un coupon de papier.No 2.Je monte dans le bus. A l’heure dite, il démarre. Pour l’instant, peu importe sa destination.