Activité fascinante des birmans sur les rives de la rivière Ayeyarwaddy à Mandalay. Je n’avais rien vu d’aussi captivant depuis le spectacle des ghats de Bénarès. Sur la route, les pêcheurs trient des milliers de poissons haletants, les uns à la pelle, sur la plancher des camions, les autres dans des paniers ruisselants. Puis les poissons traversent la route à dos d’homme, gagnent le marché et la ville. Plus loin, les commerçants de bois tiennent marché: montagnes de bambous, bûches amoncelées jusqu’au ciel, sections de teck rouge, plots, troncs entiers, fûts dévidés, rondins. Sur les promontoires, des cars et des tracteurs avec mécaniciens et chauffeurs, des vendeurs d’huile et d’essence, de jeunes amoureux se caressant les mais, les visages, les cheveux. Les berges descendent en vastes tabliers jusqu’à l’eau. Sur la première section, dure au pied, des potiers étalent de grosses jarres. Leur progéniture dort sous des bâches, le père attend le client dans un hamac, la mère est au brasero. Plus bas, les meneurs de bateaux. Chaloupes, pirogues, bacs ou barges, mais aussi plaisanciers avec double cheminée qui embarquent des Chinois pour Bagan. Devant ces bateaux, de l’eau jaune à la taille, toutes les activités quotidiennes: une dame lave, un homme chie, les gosses nagent, un pêcheur récure. La rivière commence là, mais elle Est sans limites: des îles flottent sur l’horizon. Boueuses à la base, luxuriantes au pinacle. Rondes et molles. Dans leurs croupes s’élèvent des villages sur pilotis. Les vaches à bosses sont entourées de nuages: elles paissent des jardins suspendus. Partout des feux mêlent leurs fumées au ciel. Aussi loin que se porte le regard, il découvre des hommes en activité.