Mois : février 2015

Lieu commun

Cette déc­la­ra­tion banale, sou­vent red­ite et qui con­damne qui la prononce: j’ai écrit plus d’un livre, mentalement.

Thaïs

Par­mi les petites choses qui sig­na­lent un change­ment de moeurs, le café est désor­mais partout disponible en Thaï­lande et on voit les autochtones faire du vélo, de route ou de ter­rain, mais sur route, équipés à la façon du Tour de France. Puis ce trait que je n’avais jamais relevé: les Thaï aiment bal­ay­er. Devant leur porte. Ils font ça avec flegme et appli­ca­tion comme s’ils chas­saient des démons paresseux.

Exhibition

Aller aux putes. Mais exhiber a faib­lesse? Don­ner à voir son vice? Se promen­er la pute au bras? Je songeais, comme il m’ar­rive chaque fois, à cette aber­ra­tion quand je lis dans Châteaubriand: si je m’é­tais pros­ti­tué aux cour­tisanes de Paris…

Traits

Il y a vingt ans, j’ai vécu trois mois avec une Sud-Africaine. Hier, sur le bord du fleuve Ayeyarwad­dy, j’ai retrou­vé en Cather­ine, les mêmes yeux som­bres et sans fond, les mêmes tach­es de rousseur et ce teint mat aux nuances latines. Par-dessus tout, cette expres­sion lente, qui peine à traduire les émo­tions et sem­ble, même dans le rire, emprunte de tristesse. Cather­ine vit à Shang­hai, elle est de Pré­to­ria. Com­bi­en de siè­cles pour for­mer ces physiques que l’on peut immé­di­ate­ment rat­taché à une terre et à son his­toire (dans ce cas, rel­a­tive­ment courte)?

Education

Prox­im­ité intéres­sante avec l’é­d­u­ca­tion reçue par Châteaubriand. Ceci par exem­ple, qui s’ap­plique bien à mon père: par un de ces con­trastes qu’on remar­que chez tous les hommes, mon père, si raisonnable d’ailleurs, n’é­tait jamais trop choqué d’un pro­jet aventureux.

Mémoires d’outre-tombe 2

Châteaubriand: un secret instinct m’aver­tis­sait qu’en avançant dans le monde, je ne trou­verais rien de ce que je cherchais.

I‑la

- Moi, je suis I‑La.
- Et d’où viens-tu?
Deux mètres, la mâchoire, la coupe mil­i­taire.
- De L.A.
- Et tu fais quoi ici?
- Je vends des CVs.

Palais Royal 2

Des vis­i­teurs bir­mans pho­togra­phient les pavil­lons du palais où le pou­voir pre­nait alors ses déci­sions. Le reste du domaine, intra muros, inter­dit d’ac­cès, est occupé par le pou­voir actuel, les militaires.

Palais Royal

Le palais roy­al, car­ré de forme et ceint d’une muraille couleur crabe, occupe l’équiv­a­lent de plusieurs quartiers. Il imprime son silence au caphar­naüm de Man­dalay. Le coeur de la ville anci­enne, com­posée de pavil­lons de bois rouge, est symétrique. Le con­traste est don­né par les bâti­ments roy­aux, couleur or. Une tour de garde cir­cu­laire, munie d’un escalier tour­nant, extérieur, per­met de mon­ter à quelque trente mètres. Revenu sur terre, je me promène entre les pavil­lons. Tous sont vides. Les allées sont plan­tées d’herbe. Nou­veau con­traste de couleurs. Pen­dant dix min­utes, je ne croise per­son­ne et songe que cette archi­tec­ture ne com­mu­nique cette spir­i­tu­al­ité austère que parce qu’il est dépoli­tisé. Lorsque le pou­voir y tenait ses quartiers devaient s’agiter là toutes sortes de cham­bel­lans, con­seillers, secré­taires, gar­di­ens, cour­tisans, dig­ni­taires. Un petit musée finit la vis­ite. On y trou­ve les cos­tumes et des pho­togra­phies de ces gens de régime. Au bas des clichés, la men­tion: République Fédérale d’Alle­magne. Tout ce monde a été pho­tographié, à l’époque de son règne, qui, en dépit de ses moeurs, lesquelles peu­vent sem­bler médié­vales, remonte au 19ème. On imag­ine le chargé d’am­bas­sade ayant apporté dans la ville sacrée un appareil-photo.

Berges de l’Ayeyarwaddy

Activ­ité fasci­nante des bir­mans sur les rives de la riv­ière Ayeyarwad­dy à Man­dalay. Je n’avais rien vu d’aus­si cap­ti­vant depuis le spec­ta­cle des ghats de Bénarès. Sur la route, les pêcheurs tri­ent des mil­liers de pois­sons hale­tants, les uns à la pelle, sur la planch­er des camions, les autres dans des paniers ruis­se­lants. Puis les pois­sons tra­versent la route à dos d’homme, gag­nent le marché et la ville. Plus loin, les com­merçants de bois tien­nent marché: mon­tagnes de bam­bous, bûch­es amon­celées jusqu’au ciel, sec­tions de teck rouge, plots, troncs entiers, fûts dévidés, rondins. Sur les promon­toires, des cars et des tracteurs avec mécani­ciens et chauf­feurs, des vendeurs d’huile et d’essence, de jeunes amoureux se cares­sant les mais, les vis­ages, les cheveux. Les berges descen­dent en vastes tabliers jusqu’à l’eau. Sur la pre­mière sec­tion, dure au pied, des potiers étal­ent de gross­es jar­res. Leur progéni­ture dort sous des bâch­es, le père attend le client dans un hamac, la mère est au brasero. Plus bas, les meneurs de bateaux. Chaloupes, pirogues, bacs ou barges, mais aus­si plai­sanciers avec dou­ble chem­inée qui embar­quent des Chi­nois pour Bagan. Devant ces bateaux, de l’eau jaune à la taille, toutes les activ­ités quo­ti­di­ennes: une dame lave, un homme chie, les goss­es nagent, un pêcheur récure. La riv­ière com­mence là, mais elle Est sans lim­ites: des îles flot­tent sur l’hori­zon. Boueuses à la base, lux­u­ri­antes au pina­cle. Ron­des et molles. Dans leurs croupes s’élèvent des vil­lages sur pilo­tis. Les vach­es à boss­es sont entourées de nuages: elles pais­sent des jardins sus­pendus. Partout des feux mêlent leurs fumées au ciel. Aus­si loin que se porte le regard, il décou­vre des hommes en activité.