Eaven

Tan­tôt, Eav­en m’a effrayé. Je dis cela de façon lit­téraire mais je l’en­tends de manière con­crète. Il a tou­jours les yeux vit­reux. Ce soir, en plus des gants de boxe, il por­tait des lunettes qu’in­quié­taient une buée peu favor­able à la dis­pute du com­bat.
- Oui, je com­mence vers sept heures et demie le matin, mais en général je prends un peu d’a­vance pour arriv­er au bureau avant les autres.
C’é­tait sa réac­tion à cette remar­que que je venais de faire sans espiè­g­lerie au sujet d’Or­restin:
- Sais-tu que je l’ai croisé un soir devant la gare de Fri­bourg? Eh bien, il était cos­tumé et cra­vaté et comme je lui demandais ce qu’il fai­sait là, à dix-neuf heures passées, il m’a expliqué qu’il retour­nait tra­vailler et prof­i­tait de la pause pour acheter du chew­ing-gum.
- Oui, me dit Eav­en, lui c’est autre chose, il vend des assur­ances et lorsqu’il tient un client, cela peut dur­er des heures, il ne le lâche plus.
Cepen­dant, nous box­ions face à de grands miroirs au milieu de dix-huit élèves et Eav­en ajou­ta:
- Moi, je ne tra­vaille pas plus de huit à neuf heures par jour.
A quoi je n’ai pas eu le courage de lui dire ma journée et son mer­veilleux vide interstellaire.