Hard

Il neige. L’au­toroute côté suisse est périlleuse. A par­tir de Saint-Gall, les voitures roulent au pas sur un couche de poudreuse. Le vent bal­aie les flo­cons et les brouil­lards, une ciel fer­mé coupe les échap­pées sur le lac de Con­stance. Mêmes hési­ta­tions que l’an dernier au moment de franchir les fron­tières de l’Autriche et l’Alle­magne. C’est alors que nous revient en mémoire cette carte achetée au prix fort l’été dernier dans une sta­tion-ser­vice de l’Arl­berg. Elle n’est pas dans la voiture. Nous descen­dons sur Saint-Mar­grethen, tra­ver­sons Hard (où deux petites filles enca­pu­chon­nées tien­nent leur père par la main et ren­trent dans un immeu­ble face à cet hangar sur­mon­té de l’en­seigne Erotik Shop), pas­sons le tun­nel et gagnons la Bav­ière. Allure générale du traf­ic, dense mal­gré la tem­pête, qua­tre-vingt kilo­mètres heures. Une prouesse eu égard aux con­di­tions: neige drue, chaussée prise dans une croûte de glace, vis­i­bil­ité qua­si nulle; d’ailleurs, au même moment, côté français, mille cent cent per­son­nes s’ap­prê­tent à passe la nuit dans leur véhicule. Puis le réser­voir de liq­uide lave-vit­re s’épuise. Nous sor­tons sur une aire com­mer­ciale où règne une bonne humeur sans pareil ou, pour être exacte, le per­son­nel sourit, plaisante et rit, en présence à d’au­to­mo­bilistes désem­parés qui mâchent avec con­vic­tion des sand­wichs sous vide. Six heures plus tard, nous atteignons le périphérique de Munich. Je recon­nais la Haupt­bahn­hof, annonce à Gala qu’elle peut ranger les con­seils d’it­inéraire. Et nous nous per­dons. L’été précé­dent, j’é­tais à vélo. Il me man­quait de penser que la cir­cu­la­tion en voiture n’obéit pas aux même règles. Lorsque nous débou­chons enfin sur le Lud­wigstrasse, les chutes de neige nous  empêchent d’i­den­ti­fi­er les mon­u­ments qui mar­quent les extrémités de l’av­enue, d’un côté la Fer­d­her­rn­halle, de l’autre la porte de la Vic­toire. Nous les con­fon­dons. Demi-tour, donc. Mais cela n’est pas sim­ple. De per­pen­dic­u­laire en per­pen­dic­u­laire, nous revenons sur le Lud­wigstrasse  dans la même posi­tion. Je pra­tique alors un tourn­er mex­i­cain: demi-tour en tra­vers des six pistes. Mais arrivé à ce que nous pre­nions pour la porte de la Vic­toire, nous voyons qu’il s’ag­it de la Fer­d­her­rn­halle, autrement dit, le début des rues pas­santes. Je m’y engage et roule au milieu des taxis devant l’Opéra que gag­nent des cou­ples en cos­tumes et four­rures, les cols bien relevés et le nez bas. Nous atteignons enfin l’hô­tel de la Leopold­strasse. Une demi-heure plus tard, nous somme attablés à la brasserie Oster­waldgarten, avec des can­nettes de Spat­en et des Bretzels.