Tapis

Tatlin, grande, belle, rieuse. J’ai oublié mon pan­talon, ma coquille, nous répé­tons des défens­es de Krav Maga, nous com­bat­tons. C’est dimanche après-midi, la salle de boxe est vide. Face aux miroirs nous entraînons les coups de pied, les étran­gle­ments, les parades con­tre couteau. Nous gar­dons le plus dif­fi­cile pour la fin, les chutes, les roulades. Je viens de dis­pos­er le mate­las au sol quand la porte s’ou­vre. Survient Mohammed, l’en­traîneur de boxe. Sur­pris, plus que cela, gêné. Il appelle der­rière lui. Trot­tin­nent deux femmes âgées en tchador. Il voulait mon­tr­er sa salle de tra­vail. Pour être dis­cret, il a choisi le dimanche et nous voici. Tatlin et moi sommes tous deux ses élèves. Lui est un excel­lent maître de boxe. Nous salu­ons, puis con­tin­uons nos exer­ci­ces. Du coin de l’œil, j’ob­serve Mohammed. Et je vois ce que c’est: il lève le rideau qui ferme la pièce latérale, mon­tre à ces grand-mères débar­quées du bled le tapis. Il n’a pas oublié, il est un bon musul­man. Il prie. Les dis­cours lénifi­ants n’y peu­vent rien: ni inté­gra­tion ni inclu­sion, le sens de la cul­ture démoc­ra­tique leur échappe, l’échec est programmé.