Vision soudaine des épiceries de mon enfance à Saint-Jean-de-Luz: de fromages à profusion, des saucisses en tas, des terrines, des pieds de jambon et de la gelée, des boulangeries chaudes et lumineuses à chaque coin de rue. Arrivant d’Espagne, un pays qui n’a jamais eu la culture de la gastronomie, cette générosité des aliments était frappante. Trente ans plus tard, les ravages de la grande distribution sont visibles: boulangerie aux pains comptés, exposition des fromages interdite et faute de pouvoir d’achat, boucherie peu garnies et sans cochonnaille, disparition des étals de poissons. Dans le Lot-et-garonne où je me suis installé en 1997 se tenait sur la place d’Astaffort chaque lundi un marché de vingt stands. Dix ans plus tard, il en restait quatre. Les règles d’hygiène et de transport des marchandises imposées par Bruxelles avait porté le coup d’arrêt aux activités des producteurs locaux qui redevenus des consommateurs se fournissaient touts au supermarché local. Le fromager par exemple m’avait expliqué avoir à investir 20’000 Euros dans un frigorifique pour se mettre aux normes. Il avait jeté l’éponge. Efficacité de la politique des lobbies industriels.