Une partie de la journée à l’hôpital cantonal occupé à installer des cadres d’affichage dans les ascenseurs. Les malades sourient, plaisantent, engagent la conversation. Le personnel est plus réservé. Ascenseurs à cage métallique et surchauffés. Regroupés dans deux ailes du bâtiment, six d’un côté, trois de l’autre. Ils vont et viennent. Une fois les cadres installés, notre travail consistera à changer les affiches deux fois par mois. En théorie, l’affaire de quelques minutes. Or je constate que nous nous trouvons face à une situation inédite. Lorsque nous commandons un ascenseur, il n’y a qu’une chance sur six pour que nous obtenions celui que nous avons commandé. En effet, la machine comprend que vous voulez monter ou descendre, mais ne peut comprendre que vous vouliez emprunter un ascenseur plutôt qu’un autre. Autre particularité, dont je fais remarque à mon collègue:
- Sais-tu ce qu’il y a dans tous les ascenseurs sauf dans ceux d’un hôpital? Des miroirs.
Mois : mai 2014
Ascenseurs
Avenir
“Les enfants, c’est l’avenir” est une drôle de formule. Il semble qu’on pense à l’adulte tel qu’il pourrait être plutôt qu’à l’adulte tel qu’il est. L’espoir est fondé sur la venue d’un avenir qui délivrerait du présent. Mais si nous avons, nous autres adultes, l’image d’un pareil avenir, pourquoi ne pas le mettre en œuvre? Pourquoi ne pas agir comme des enfants et l’incarner dès aujourd’hui?
Rentrer
Installé dans le bureau. Il pleut. De la maison, sensation agréable. Il y a moins d’espace. Le rideau que forme la pluie resserre la ville, l’enferme. Hélas, il me faut sortir. Pour la première fois depuis des années je renonce au vélo. Ayant négligé d’installé des pare-boues j’aurais vite le fond du pantalon détrempé. Je prends un parapluie. Je marche. Je voudrais rentrer. Je n’attends rien de cette scène qu’offre la ville. Tout se passe dans le halo réduit que la lampe projette sur la table de travail.
Anormal
Gala dit:
- Tu es fou!
C’est habituel.
- Tes amis pensent que tu es fou!
Habituel.
Quant à savoir ce qu’elle pense, je l’ignore.
- Tu es fou, répète-elle.
Désormais ces déclarations me laissent indifférent. Jusque là, tout est normal. Mais tout-à-l’heure, comme j’étais installé en compagnie de camarades de sport dans un fast-food turc, une sorte de salle de bains éclairée au néon dans laquelle tourne un pain de kebab, l’un d’entre eux, réagissant à l’un de mes propos qui n’était pas une provocation mais une opinion à contre-courant, dit:
- Tu es un psychopathe!
Il est jeune, agréable, je l’apprécie, je crois que c’est mutuel.
“Comment se fait-il que la situation devienne jour après jour aussi normale?”, pensé-je alors à part moi.
Car à la différence de Gala et de ces jeunes, ce que je trouve fou, inquiétant, mortifère, est l’adaptation naïve des uns et des autres à une situation qui n’a rien de normale.