Anormal

Gala dit:
- Tu es fou!
C’est habituel.
- Tes amis pensent que tu es fou!
Habituel.
Quant à savoir ce qu’elle pense, je l’ig­nore.
- Tu es fou, répète-elle.
Désor­mais ces déc­la­ra­tions me lais­sent indif­férent. Jusque là, tout est nor­mal. Mais tout-à-l’heure, comme j’é­tais instal­lé en com­pag­nie de cama­rades de sport dans un fast-food turc, une sorte de salle de bains éclairée au néon dans laque­lle tourne un pain de kebab, l’un d’en­tre eux, réagis­sant à l’un de mes pro­pos qui n’é­tait pas une provo­ca­tion mais une opin­ion à con­tre-courant, dit:
- Tu es un psy­chopathe!
Il est jeune, agréable, je l’ap­pré­cie, je crois que c’est mutuel.
“Com­ment se fait-il que la sit­u­a­tion devi­enne jour après jour aus­si nor­male?”, pen­sé-je alors à part moi.
Car à la dif­férence de Gala et de ces jeunes, ce que je trou­ve fou, inquié­tant, mor­tifère, est l’adap­ta­tion naïve des uns et des autres à une sit­u­a­tion qui n’a rien de normale.