Mr. Padet Homraruen, mon chauffeur de taxi, avance de cinquante mètres en 1h10, temps vérifié sur l’horloge à l’effigie du roi qui occupe le tableau de bord de la Toyota. La rue dans laquelle nous sommes bloqués aboutit au canal, là il bifurquera à droite pour passer un pont et rejoindre la voie rapide. Or, rien ne bouge. Y a‑t-il un accident? Geste vague de la main. Plusieurs fois, j’hésite à continuer à pied, mais alors, il se pourrait que je ne trouve plus de taxi. Et s’il m’amenait à la station du métro aérien Makkasan? Geste vague de la main. Mr. Padet Homraruen a raison: dans l’immédiat, il ne peut m’amener nulle part. Il y a bien une piste roulante sur la gauche, mais elle est en sens inverse et des bus la parcourent à grande vitesse. Les motards qui s’y engagent risquent leur vie. En voiture, cela relèverait du suicide. Trois quart d’heures s’écoulent. J’ai l’estomac noué. Me voici bloqué à trente kilomètres de l’aéroport. Je ne cesse de consulter ma montre et me livre à de savants calculs, supputant le franchissement des obstacles pour rejoindre la porte d’embarquement. Le chauffeur m’observe à la dérobée. Son visage s’affiche dans le rétroviseur central. Sur la carte d’identité professionnelle, Mr. Padet Homraruen est un jeune homme de trente ans aux joues rondes aux yeux pleins; dans le rétroviseur, c’est un vieil homme aux traits hâves, aux yeux liquéfiés.