Faire à l’autre bout du monde la même chose que chez soi. Une salle de sport, dénichée dans un hôtel pour Chinois, le Riviera, où je me rends dans l’après-midi. Une sorte d’aquarium de verre. Un côté donne sur un bureau. Recroquevillés dans son ombre, derrière des piles de serviettes de bain, la chevelure soufflée par un ventilateur rotatif, trois Cambodgiens en livrée rouge; le plus grand mesure un mètre cinquante. Les premiers jours, ils appelaient leurs collègues lorsque je sautais à la corde, maintenant ils ouvrent l’oeil quand la corde claque, puis retournent à la somnolence. Du grand côté, la surface vitrée donne sur la piscine. Les Chinois partis aux temples, ne reste que les blancs. Les femmes bronzent leurs ventres ou lisent des best-sellers fatigués pris dans le stock de l’hôtel, les hommes errent entre les plantes, l’air perdus. Certains boitent, d’autres fument tandis que les Russes rentabilisent leur liberté: les maris boivent, les femmes barbotent. Dernier côté de l’aquarium, une belle et fine femme des campagnes en costume traditionnel. Je ne l’ai remarqué que le troisième jour, ce qui est pour le moins gênant. Depuis qu’elle sait que je la vois, elle est encore plus discrète, mais relève la tête chaque fois que je lui tourne le dos et ne perd rien de mes manoeuvres, ce d’autant plus que n’ayant pris pour ce voyage d’un mois qu’un short, je porte une culotte étroite achetée au marché de Pnomh Penh. Plus tard, quand je quitte le Riviera, je prends quelques notes, écoute de la musique, puis rejoins Gala dans un bar pour l’apéritif. Dans la matinée, lecture. Le tout n’est guère différent de mon emploi suisse. Moins rapide, mais composé de même. Est-ce à dire qu’une partie de la vie étant vécue, les choix sont faits et obligent en tout lieu? Ou au contraire que cette routine partout retrouvée marque une forme de réduction du monde? Au fond, j’aime la répétition. Elle est synonyme d’approfondissement. Et puis, Siem Reap étant dénué de tout intérêt il est juste de persévérer en soi.