La ville que j’ai vue il y a quatre ans déjà n’existe plus. Cette métamorphose rappelle les vertiges de Bangkok dans les années 1990: il suffisait de passer une semaine dans le pays et au retour la pension avait disparue engloutie par un centre commercial. La semaine suivante, le centre commercial passait sous le bulldozer, quatre tours s’élevaient. De plus, lors de mon premier passage à Pnomh Penh, encore abasourdi de ma séparation avec Gala, intervenue brusquement au moment de grimper dans un bus à Trat, j’étais affecté d’un calme étrange qui atténuait le chaos de la ville. Aucun doute cependant: quatorze heures par jour, du lever du soleil à vingt heures, la ville est en pleine mutation. Ensuite les restaurants de nuits installent des milliers de chaises rouges sur les trottoirs, les braseros fument, les Cambodgiens boivent et mangent. Puis ils filent et se couchent. C’est du moins ce que j’observe dans le quartier où nous habitons, à quelques kilomètres des quais, au milieu de cinquante ateliers de garage, car il y aussi des zones résidentielles, reconnaissables aux arbres qui pointent vers le ciel de l’intérieur des propriétés et des tentatives new-yorkaises, où à grands renforts d’échafaudages en bambous des ouvriers, cent, ceux cent à la fois, coiffés de casques jaunes qui leur donne un air de champignons nains, s’affairent pour bâtir des buildings, des malls, des fast-foods, et enfin, dans le quadrillage de rue éclairées d’enseignes qui appuie contre le Mékong (sans l’atteindre, par décence imagine-t-on), des grappes de prostituées les fesses vissées sur des tabourets qui regardent défiler des touristes blancs, musclés et tatoués ou âgés et gras.