Hélices

Avion à hélices de la com­pag­nie Hap­py air au départ de Ranong. L’en­vol est prévu pour 13 heures. Il est midi moins cinq, un polici­er som­nole devant le por­tique de sécu­rité. Il explique que l’aéro­port va bien­tôt ouvrir, puis se rassied. D’autre voyageurs arrivent, deux femmes russ­es avec un bébé, un offici­er, un routard qui porte son passe­port autour du cou. J’aperçois le pilote, un occi­den­tal. L’avion s’élance à grande vitesse et décolle en bout de piste au-dessus des méan­dres du fleuve. Vaste pans de man­grove, puis la mer, peut-être Chang où nous étions ces jours. Plus loin une vue spec­tac­u­laire sur les côtes de Surat Thani. A Bangkok, nou­v­el avion à hélices affrété par la Angkor Cam­bo­di­an air. Mon siège est sous le moteur droite, l’hôtesse apporte un sand­wich à la may­on­naise, améri­cain, et un pain au choco­lat, français; un résumé de la poli­tique inter­na­tionale du gou­verne­ment cam­bodgien. A l’ap­proche de Pnohm Pehn, pre­mières vues éton­nantes: vaste dami­er de champs ter­reux, ciel épais et chaud, véhicules qui soulèvent des traînées de pous­sière, hangars qui évo­quent nos vieux bot­tins de télé­phone et de l’eau, lente, vineuse, dans un sys­tème de canal com­plexe. Vient ensuite le pas­sage de fron­tière. Mil­i­taires au corps de four­mi ser­rés dans des uni­formes bruns. Les bottes sont cirées, les cas­quettes plates et plus larges que des assi­ettes de céré­monie. Les gradés ont le torse cou­verts de médailles. J’ai rem­pli trois for­mu­laires dans l’avion. Les sept pré­posés qui tam­pon­nent der­rière le guichet me ren­voient comme ils ont ren­voyé les autres voyageurs. Le qua­trième for­mu­laire n’est disponible qu’i­ci, nous ne pou­vions donc le rem­plir avant. Un chi­nois en chaise roulante hurle. Les mil­i­taires le fix­ent. Aucune expres­sion sur le vis­age. Puis ils con­tin­u­ent de tam­pon­ner. Le chi­nois hurle. Même réac­tion mécanique puis il con­tin­u­ent de tam­pon­ner. Je sors ma plume, rem­plis le for­mu­laire de Gala, attaque le mien en soupi­rant. Un gradé passe la tête sous mon bras.
- I do it for you, 5 dol­lars.
Une fois libéré, la chas­se au taxi. J’ai deux mil­lions de Rials sur moi. Un mil­lion dans chaque poche.
- Vous payez en dol­lars, me dit le chauffeur.