Que fait-on toute la journée?

Que fait-on toute la journée? Mys­tère. On tra­vaille. Cela est vis­i­ble. Et pour peu qu’on creuse, ce tra­vail appa­raît pour ce qu’il est: absurde. L’ado­les­cent le sait, l’adulte veut l’ig­nor­er: son fatal­isme rejoint sur cette ques­tion l’idio­syn­crasie des hin­dous: il faut bien…
Imag­i­nons — et de fait, au rythme où vont les choses nous n’au­rons bien­tôt plus à imag­in­er, il suf­fi­ra de con­stater — imag­i­nons que le tra­vail vienne à dis­paraître. Cela impli­querait-il la fin de la lib­erté? Si je pense que le tra­vail, aus­si absurde soit-il, c’est la lib­erté, c’est selon la for­mule clas­sique qui veut que le tra­vail vaut indépen­dance, mais dans la ques­tion que je pose ce n’est pas cela qui est en jeu. Dans la mesure où je tiens pour impos­si­ble qu’une per­son­ne, aban­don­née à elle-même, se préoc­cupe de soi, il ne reste qu’une alter­na­tive: elle s’oc­cu­pera des autres. Or, à quoi aboutis­sons-nous dans une société sans tra­vail? A une société où cha­cun s’oc­cupe de tous les autres. C’est à dire à la fin de toute lib­erté indi­vidu­elle. Ce raison­nement par l’ab­surde a son util­ité. Posons dès main­tenant la ques­tion de la lim­i­ta­tion de nos lib­ertés indi­vidu­elles. Sans s’a­doss­er aux fig­ures mon­strueuses des régimes total­i­taires, il appa­raît évi­dent que le recul du tra­vail entraîne un con­trôle accrus des indi­vidus. L’aug­men­ta­tion inces­sante de la part des fonc­tion­naires dans la pop­u­la­tion active con­stitue à cet égard un pre­mier signal.