Aplo dit posséder une jouet dont l’intérieur est plus gros que l’extérieur.
Mois : janvier 2014
Là-bas
Corrections de Marfil, texte écrit au Mexique, sur les lieux du même nom, une ville minière engloutie par les eaux de pluie en 1901. Refusé par Zoé, publié sous forme d’extraits ici et là, repris et abandonné, je ne sais aujourd’hui, dix ans plus tard, ce qu’il faut en penser. Il est d’une écriture honnête, en ce sens qu’il traduit sans recherche de style, sinon la nécessité de donner cohérence au récit par un montage, mon périple d’un mois dans les montagnes de la région de Guanajuato. Et si cela me frappe, c’est que je me crois désormais incapable d’un tel rapport au réel sauf à le fabriquer. Spontanément, les idées défont ce que la nature m’oppose et raconter sans ambages me coûte. En ce sens, Roman D.C., roman caricatural écrit en juin dernier, manifeste la volonté (toute américaine, d’où son titre) de simplifier le monde plutôt que de s’avouer devant lui démuni.
Aventure
La vie apparaît comme une aventure sous différentes conditions. Lorsque l’environnement est inconnu. C’est le sens courant. Lorsque les choix sont le fait d’autrui. L’environnement habituel est alors transformé par la personnalité de celui auquel nous sommes soumis. C’est la vErsion dangereuse. Enfin, par la décision, certes arbitraire et qui renvoie aux motifs révolutionnaires des avant-garde esthétiques, d’opérer des choix contre-intuitifs de façon à modifier sans cesse son environnement et créer des occasions neuves.
Escritor
Dans un café de la Gran Via. Le temps de me rendre aux toilettes, je trouve Gala en grande conversation avec les voisins de table, un couple dans la force de l’âge. J’ignore comment elle s’y prend, mais la voilà au bar avec monsieur, puis à naviguer bras-dessus-dessous. Pendant ce temps je fais la conversation à la dame, ce qui m’ennuie parce que je suis ivre et parce que ça m’ennuie. La dame veut savoir ce que je fais. Je vois bien que vous êtes en vacances (à quoi le voit-elle?), mais dans la vie, que faîtes-vous?
- Je suis écrivain.
Et d’allumer aussitôt son téléphone, sur lequel elle tape mon nom. Apparaissent à l’écran trois photographies et des références de sites. Maintenant qu’elle a vérifié que je ne mentais pas, elle appelle son mari:
- Es escritor!
Magazines
Dans les kiosques à l’ancienne, maisonnettes de fer aux battants garnis de magazines, un vendeur ou une vendeuse, parfois les deux, vêtus de noir, tassés sur des tabourets, attendent pendant des heures. Rares commerces à ne pas tenir l’horaire en deux fois, qui veut que dans toute l’Espagne, entre quatorze et dix-sept heures, la sieste impose la fermeture. Je regardais ces magazines de toutes sortes, au nombre de plusieurs centaines, et cherchais à me souvenir des chiffres entendus l’an dernier: 7000 titres différents? Rien de plus vain qu’un magazine. Le contenu est répétitif, le texte relâché, la part de la publicité considérable, et cependant, au moment de comprendre leur succès, je me remémorais mes intérêts successifs, chacun ayant justifié l’achat d’un magazine, et parfois l’abonnement: bande-dessinée, philatélie, mode, skateboard, stars, rock, vélo, décoration, maçonnerie, écologie, surf, course, armement…
Visites
Dans les hôtels de luxe, les clients visitent les installations en couple afin de vérifier que les services promis existent. En général, lorsqu’ils poussent la porte du gymnase, ils me trouvent pédalant, boxant mon reflet ou assis dans le hammam et se retirent gênés, comme s’ils avaient pénétré dans ma chambre.
Règles bénédictines
Les moines bénédictins de San Esteban forment un cercle. Le milieu doit rester vide. Il est occupé par Dieu et la discussion. Etrange et merveilleuse conception. La philosophie est au même endroit que Dieu, la géométrie, que ce soit par la prière ou l’ascèse intellectuelle, est une promesse de sacré.
Magasin de sport
Nous sommes arrivés à Salamanque par la banlieue. Alors que le bus traversait une zone commerciale, j’ai repéré un magasin de sport. A la réception de l’hôtel, je demande comment s’y rendre. Et d’abord, est-ce loin?
- Très loin.
- Une demi-heure?
- Je ne sais pas, c’est un de ces endroits où l’on ne peut aller qu’en voiture.
- Indiquer moi la direction.
J’attrape une parapluie et sors. Je travers un pont neuf sur le Tormes et m’engage sur la demi-autoroute. Le parapluie est inutilisable, les rafales de vent le briseraient. L’ambiance est triste. Ceux qui ont fêté la nouvelle année se reposent, ceux qui travaillent aimeraient se reposer, les autres attendent le jour des Rois mages. Les immeubles le cèdent aux terrains vagues. Puis apparaissent d’autres immeubles, la plupart de construction récente, vitres brisées, à l’abandon. Se vende. Urge vender. Licencia inmediata. Au bout d’une heure, j’atteins un premier centre commercial, le Capuchino. Il se met à neiger, De gros flocons, qui voltigent et plaquent le visage. J’ai perdu de vue l’enseigne du magasin de sport qui perçait à trente mètres, façon Las Vegas, dans le ciel gris de Salamanque. Je suis dans la bonne direction, mais il n’y a plus de trottoir. Il me faut rebrousser chemin. J’emprunte une passerelle pour traverser l’autoroute. Elle conduit à un second centre commercial, le Tormes. Au quatrième étage des centaines de familles avec enfants mangent sur plateaux, boivent dans des verres en carton. J’emprunte les escaliers roulants, ressors dans la neige. L’enseigne géante réapparaît. Je marche sur des routes propres et lisses, et noires et glacées, les routes en attente d’un quartier, celui de la Fontana. Panneaux des promoteurs brisés, machines à l’abandon. Aqui construimos vuestro sueno. Quand j’atteins enfin le magasin, je ne suis pas déçu. Je parcours les rayonnages tirant derrière moi un panier que je remplis, et je fais le voyou, je paie avec une carte de banque française, à partir d’un compte saisi par l’Etat.