Magasin de sport

Nous sommes arrivés à Sala­manque par la ban­lieue. Alors que le bus tra­ver­sait une zone com­mer­ciale, j’ai repéré un mag­a­sin de sport. A la récep­tion de l’hô­tel, je demande com­ment s’y ren­dre. Et d’abord, est-ce loin?
- Très loin.
- Une demi-heure?
- Je ne sais pas, c’est un de ces endroits où l’on ne peut aller qu’en voiture.
- Indi­quer moi la direc­tion.
J’at­trape une para­pluie et sors. Je tra­vers un pont neuf sur le Tormes et m’en­gage sur la demi-autoroute. Le para­pluie est inutil­is­able, les rafales de vent le bris­eraient. L’am­biance est triste. Ceux qui ont fêté la nou­velle année se reposent, ceux qui tra­vail­lent aimeraient se repos­er, les autres atten­dent le jour des Rois mages. Les immeubles le cèdent aux ter­rains vagues. Puis appa­rais­sent d’autres immeubles, la plu­part de con­struc­tion récente, vit­res brisées, à l’a­ban­don. Se vende. Urge vender. Licen­cia inmedi­a­ta. Au bout d’une heure, j’at­teins un pre­mier cen­tre com­mer­cial, le Capuchi­no. Il se met à neiger, De gros flo­cons, qui volti­gent et plaque­nt le vis­age. J’ai per­du de vue l’en­seigne du mag­a­sin de sport qui perçait à trente mètres, façon Las Vegas, dans le ciel gris de Sala­manque. Je suis dans la bonne direc­tion, mais il n’y a plus de trot­toir. Il me faut rebrouss­er chemin. J’emprunte une passerelle pour tra­vers­er l’au­toroute. Elle con­duit à un sec­ond cen­tre com­mer­cial, le Tormes. Au qua­trième étage des cen­taines de familles avec enfants man­gent sur  plateaux, boivent dans des ver­res en car­ton. J’emprunte les escaliers roulants, ressors dans la neige. L’en­seigne géante réap­pa­raît. Je marche sur des routes pro­pres et liss­es, et noires et glacées, les routes en attente d’un quarti­er, celui de la Fontana. Pan­neaux des pro­mo­teurs brisés, machines à l’a­ban­don. Aqui con­stru­imos vue­stro sueno. Quand j’at­teins enfin le mag­a­sin, je ne suis pas déçu. Je par­cours les ray­on­nages tirant der­rière moi un panier que je rem­plis, et je fais le voy­ou, je paie avec une carte de banque française, à par­tir d’un compte saisi par l’Etat.