Ce mot d’intranquillité, assez laid, mais bien utile au moment de qualifier notre état de rejetons du modernisme. L’accumulation d’intelligences diverses, la contradiction native résolue par toutes sortes de religions et de philosophies désormais elles-mêmes mises en contradictions nous condamnent à nous fuir sans cesse. La sympathie de l’agriculteur pour ses champs et ses vaches offre un contrepoint évident. Je ne veux pas faire de romantisme, cette sympathie est aussi une pesanteur, une liberté engluée, mais tout de même, que ce soit dans le domaine des idées ou dans le jeu banal des jours, comment en est-on arrivé à incarner des positions aussi instables? Il se pourrait même, que l’intranquillité opère comme une maladie dégénérative. L’agitation nietzschéenne (pour prendre une figure intellectuelle) bientôt incarnée, c’est à dire, faite chair, sans plus de motifs, de mots, d’opérations mentales. En début de semaine par exemple, ce garçon d’une vingtaine d’années assis à mon côté lors d’un voyage en train: en trois quart d’heure, jamais il n’est parvenu à rentrer en lui-même, se débattant avec son sac, puis sa chemise, son abonnement, laçant ses chaussures, retournant à sa chemise qu’il boutonne, se coiffant, cherchant son reflet dans la vitre, vérifiant le contenu de son sac, s’installant enfin pour écouter de la musique, mais bientôt relevé et recommençant toute la série des actes destinés à anticiper la sortie du train.