A Sion, où j’ai un rendez-vous lié au marché de l’affichage. Gala attend dans la zone commerciale de Villeneuve depuis 11 heures. Il est 14h30. J’ai déjeuné avec la représentant des éditions Zoé et la libraire de La Liseuse. Une lecture d’easyJet est prévue. Le scepticisme est général: il n’y aura personne. Cela donne envie de rire. Ou de pleurer. Mieux vaut se retrancher derrière sa conviction d’écrivain: seul importe l’écriture.
- Vous savez, me dit la libraire, Arditi est venu…
Je ne suis pas sûr de savoir de qui elle parle — Metin Arditi ?- mais à en juger par la suite de l’anecdote, l’écrivain est connu ou devrait l’être.
- Eh bien j’ai acheté de la publicité, fais des envois, invité des amis, et le soir venu, rien, presque personne.
Je me garde de lui dire combien elle a raison. Je devrais. D’ailleurs, on la sent un peu lasse. Trente ans de librairie. Le paysage, à n’en pas douter, n’est plus le même; et la nuit est devant nous.
Par inertie peut-être, c’est le but de ce repas, nous tombons d’accord sur un projet de présentation du texte à paraître chez Allia, mais suggère la libraire, il vaut mieux faire venir deux ou trois sauteurs à la fois, cela permet d’élargir le public. Formidable règne de la quantité.
Sur ces entrefaites, je me précipite et rejoins le bureau où a lieu mon rendez-vous lié à l’affichage. D’emblée, je commets l’erreur de m’intéresser aux activités de mon interlocuteur ce qui, entre explications et annonces de projets, nous retient pendant trois quart d’heure. Lorsque je me libère enfin, il est trois heures et j’ai trois francs en poche.
- Peut-on payer le parking avec une carte de crédit?
Mon hôte ne sait pas, Il appelle l’Office du Tourisme. C’est impossible. Je cours à la gare, trouve la Poste, pianote sur le distributeur de billets, choisis l’option “coupures mélangées”, reçois une billet de Fr. 100.- Nouvelle opération de retrait. Cette fois l’option “coupures mélangées” n’apparaît plus. Je tape Fr. 300.- et reçois trois billets de Fr. 100.- J’entre dans un kiosque, achète un chocolat, ouvre mon portefeuille, y trouve une enveloppe remplie de Livres Sterling, des Euros et des billets de Fr. 100.- au nombre de sept. Le portefeuille contenait donc déjà des francs suisses. Je paie le chocolat, cours au parking: la machine me demande trois francs, ceux ‑là même que j’avais en poche avant de me rendre à la gare. Pour ne plus perdre de temps, je renonce à prendre de l’essence. Lorsque j’atteins la zone commerciale de Villeneuve, le réservoir indique une autonomie de 1 kilomètre. Gala dort sur un banc au milieu du centre commercial. Les boutiques affichent des Prix fabuleux. Au-dessus et sur le côté des cartons fluorescents annoncent: Prochaine fermeture.
- J’ai essayer de manger un pizza, à l’étage, mais c’est trop affreux.
En effet, il n’y a personne. Je passe la tête à l’intérieur d’une bijouterie. Aucune vendeuse. Il suffirait de se servir. Les municipalités qui ont autorisé la construction de ces hangars devraient être tenues, après faillite, de restituer les surface aux vaches et aux promeneurs. Nous visitons un magasin de meuble. Pas un seul que l’on souhaiterait mettre chez soi. Je propose d’en visiter un second. Il est à dix mètres. Gala est trop fatiguée. Je demande s’il est plus intéressant que le premier.
- Je n’en sais rien, il est trop loin, je n’y suis pas allée.