Routes

Routes étroites, encom­brées, semée de pan­neaux, coupées de chantiers. Cinq cent kilo­mètres par Saint-Gall, la fron­tière autrichi­enne, Bre­genz et Mem­min­gen. Je n’aime pas la voiture. Ni con­duire. D’ailleurs, con­duire, on ne peut pas. Acheter une voiture, y met­tre de l’essence, acquit­ter des impôts, pay­er des amendes, des frais d’en­tre­tien, pren­dre une vignette (dans ce cas-là, deux), mais pas con­duire, rouler. L’his­toire lit­téraire, par­ti­c­ulière­ment améri­caine, fait place belle à la voiture. Le mythe a vécu. Dans son roman Comme le temps passe… pub­lié en 1937, Brasil­lach racon­te un voy­age en voiture dans les alen­tours de Paris. Aucun lecteur naïf n’i­rait imag­in­er qu’il relate ce qu’il voit. Trente ans plus tard, les grandes tra­ver­sées est-ouest des Beats. Une lib­erté exaltée, dont il y aurait beau­coup à dire. Il y a deux ans j’ai roulé dans l’U­tah. Le ciné­ma hol­ly­woo­d­i­en est à voca­tion thérapeu­tique. Aux Etats-unis, l’au­to­mo­biliste est aujour­d’hui traité comme un hand­i­capé. Ma seule expéri­ence d’e­space ( je ne dis pas lib­erté) à bord d’une voiture remonte à une vis­ite de Cuba en 1990. Sur l’au­toroute, je klax­on­nais pour que se lèvent les pique-niqueurs instal­lés sur la piste.
Au milieu de l’après-midi, nous atteignons Munich. Sans plan, dif­fi­cile de trou­ver l’hô­tel. Gala se penche à la fenêtre, par­le aux pié­tons. Ce sont des touristes. Nous con­tournons le Musée des Beaux-arts, débou­chons sur Leopold­strasse. Sen­ti­ment d’avoir sous les yeux une ville de l’est. Col­oration des trams, façades droites et claires, avenues dégagées, sans appa­rat. A l’hô­tel la récep­tion­niste m’indique un park­ing en sous-sol. J’en­tends le mot “lift”, n’y prête pas atten­tion. Une fois la voiture achem­inée en sous-sol, je vois ce que c’est: des rails de métal pen­tus fixés con­tre le mur. Il s’ag­it d’y faire mon­ter la voiture, de blo­quer le frein à main et de sauter à terre. Un sys­tème plus poussé con­siste à super­pos­er deux voitures. Dans ce cas, une fois la voiture en place, on appuie sur un bou­ton qui la fait remon­ter de sorte que le suiv­ant puisse gliss­er la sienne en par­tie basse. Avec cette con­séquence: voulant un jour récupér­er ma voiture dans un park­ing que je louais à Genève, une autre voiture dont le frein n’é­tait pas blo­quée m’est passée sous le nez. Nous voici donc Gala et moi dans un park­ing souter­rain de Schwabing. Je renonce. Voilà ce que je dis. Mieux vaut pay­er une amende en sur­face que ris­quer l’ac­ci­dent. J’es­saie de reculer. Dif­fi­cile. Je per­sévère. En un dizaine de manœu­vres je tourne la voiture. Je gravis la rampe de sor­tie. Rideau de fer abais­sé. Je croise un turc dans les souter­rains. Il ne sait pas. A la récep­tion, on me tend une carte mag­né­tique.
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