A quatre heures du matin, éveillé par des coups de langue et mis en position de foutre. Elle parle ensuite du soleil de minuit et se rendort.
Mois : juillet 2013
Trois fois
Trois fois en quelques semaines, venant de peintres et de photographes, j’entends cet aveu résigné devant l’étouffement mercantile dont ils se disent les victimes: la quantité des œuvres en circulation condamne toute visibilité, durée, perfection. Je fais observer que du fait de la production musicale assistée par ordinateur, l’œuvre musicale est la première victime de ces données nouvelles et que la littérature, bien qu’elle ne soit pas épargnée (voir l’orchestration des Rentrées) n’est pas dans un état qui me pousse à résignation, bien au contraire: un tel acharnement à détruire par la quantité pourrait contraindre la littérature à renouer avec une clandestinité de bon aloi (même si cela témoigne, sur le plan général, d’un abattement des libertés.)
Pusillanimité
Pusillanimité de cette organisatrice genevoise de lectures à qui, après demande, j’envoie le recueil poétique d’un écrivain en vue d’une invitation et qui, vraisemblablement embarrassée par un jugement esthétique défavorable qu’elle ne veut rendre public, garde le silence. Ou n’a-t-elle tout bonnement pas les moyens du jugement, émoulue comme elle est de l’un de ces parcours en atelier où l’on élève des écrivains hors-sol à la façon des tomates industrielles?
En soirée
En soirée, au cours d’un bref échange, afin d’établir ce qui m’oppose aux tenants naïfs du “tout culturel”, ce Sésame, cette abomination dont les cercles d’argent se servent pour embrigader les bonnes — mais faibles — volontés, je distingue “culture” et “art” et définis la première: ensemble des connaissances qui me permettent de porter un regard enrichi sur le monde.
Sur la grève le ressac déposa des individus dont le plus gros, qui ne mesurait guère qu’une dixième partie de l’index que l’indigène gardien de l’île tendait dans sa direction, déclara:
- Enlève-toi de là!
Le rire de l’indigène fit frémir les palmiers et se propagea jusqu’au village. Ses congénères accoururent. L’un des intrus s’avança et dit:
- Nous venons manger, nous ne vous ferons pas de mal.
Les indigènes, casqués et armés, rirent plus fort. Une seconde après les individus n’étaient plus sur la plage. la seconde suivante, ils étaient de retour.
Etrange quartier
Etrange quartier de Prenzlauerberg. Population blanche, d’âge moyen, de culture ferme, politiquement soudée (et qui veut croire à la démocratie). Plus que de la tolérance, je ressens une attitude de propagande par le comportement qui invite à la tolérance. Il convient d’y adjoindre une surveillance spontanée de tout individu dont les caractérisitiques, mal définies, seraient de nature à bousculer l’harmonie générale. Cet effort louable de préservation d’un terrain de jeux social est-il le fruit du traumatisme vécu sous le socialisme intégral ou une conscience construite de l’histoire récente de l’Allemagne? Quoiqu’il en soit, la vie apparaît ici meilleure, et par contrecoup, d’une émouvante fragilité. A titre de comparaison, la France des villes est plongée dans le chaos et prépare la guerre. Quant à Genève, ce n’est rien de plus qu’une sorte de zoo tenu par des gardien frustrés et agressifs. L. qui vit depuis dix ans à Kreuzberg (où des féministes hystériques côtoient des turques en tchador), me dit:
- Prenzlauerberg! C’est un peu monoculturel, tu ne trouves pas?