Traversée d’une sierra aux contreforts poussiéreux.

Tra­ver­sée d’une sier­ra aux con­tre­forts pous­siéreux. Sur le plateau les murs de pier­res sèch­es ouvrent sur des prés à tau­reaux. Nous pous­sons les vélos pour ne pas effray­er les bêtes et enfour­chons à la lim­ite de la pinède. Sur l’as­cen­sion du col deux hard­es de san­gliers. Nous empor­tons un matériel de guidage sophis­tiqué mais faute d’avoir con­sacré du temps au mode d’emploi sommes inca­pables de l’u­tilis­er. Frère mon­tre une direc­tion générale, si j’ac­qui­esce, nous roulons. Pour la pre­mière fois depuis des années, nous allons sans but. Cinq jours au départ de Madrid, l’idée de séjourn­er à Ségovie, Avi­la, peut-être El Esco­r­i­al, voilà l’in­ten­tion. Vers Car­cones, seuls au milieu de la lande, nous abor­dons un par­adis: tapis de fleurs sauvages, glou­glous des ruis­seaux, cail­loux blancs semés en flo­cons. A Brao­jos, dans le fond de la val­lée, après une descente par les sen­tiers à plus de 50 km/h, une vil­lage arc­que­bouté autour de sa place. Le soleil vient de percer et darde un banc que se parta­gent un cou­ple et leur fils, tous trois en béret, appuyés sur des cannes de berg­er, le regard tran­quille. Nous cher­chons notre direc­tion quand survient une vielle femme habil­lée d’un fichu noir. Ses tons délavés, sa trame usée, indiquent qu’elle doit le porter depuis son veu­vage il y a trente ans ou plus. Elle marche avec lenteur dans des espadrilles loque­teuses, son vis­age évoque les sculp­tures de sucre de la fête mex­i­caine des morts. J’ai le temps d’apercevoir ses dents, fichées au hasard, ses yeux tournés vers l’au-delà. Arrivée devant le banc, elle fait demi-tour. Le fils mar­que un silence, puis nous détaille notre itinéraire.
-… et après l’abreuvoir vous tirez tout droit. Vous ne pou­vez pas vous tromper, il y a une chaîne tombée au sol.
Un heure d’une ascen­sion exigeante par un vent léger et frais, puis la descente sur Acebeda.