A Torrevieja nous retrouvons l’appartement de la Playa del Cura comme nous l’avons laissé il y a trois semaines, étincelant et plein de ces meubles ridicules qu’achètent les Espagnols, vaisseliers d’exposition, guéridons torsadés et fausses huiles. Aussitôt les valises posées nous sortons manger chez Andrès. La famille est au complet; le père place les clients, le fils prend la commande, sa soeur apporte les plats, la mère prépare en cuisine la meilleure paëlla de Valence à Gibraltar. Les voisins prennent place à leur heure, mélangent vin rouge et limonade, se souhaitent bon appétit et attendent le journal de la mi-journée en avalant des crevettes, de l’agneau, du poulpe, des soupes de pois. Le père revient en salle pour le dessert. Il énumère les choix. Tartes glacées, fraises à la crème, flan, crème brûlée, riz au lait, gâteau chocolat et pour les fruits, comme dans le reste du pays, une orange, une pomme ou la banane. Lorsque nous quittons la table, il est plus de quatre heures et il pleut. Nous buvons du café au bar. Les rues sont désertes. Appartements et locaux commerciaux sont en vente. Je compte les annonces sur la façade d’immeuble de l’autre côté du trottoir. Enseignes de carton accrochées aux terrasses, écritures au pinceau, numéros d’agence. Un quart de l’immeuble est en vente ou à la location, et ainsi dans toute la ville. A l’extérieur, dans les cités satellites bâties au moment du déclenchement de la crise, c’est pire. Ce qui n’est pas en vente est fermé ou saisi par les banques. Plus tard la pluie cesse et une belle lumière baigne les quais. Nous saluons plusieurs personnes qui ont l’habitude de nous voir arpenter le quartier.