La conscience hypertrophiée des peintres et écrivains du baroque latin lorsqu’elle saisit le tragique de l’époque offre une clef de lecture sans pareil au moment d’interpréter le déclin accéléré de notre monde. Dans les années 1990 s’est développé, au-delà des seuls milieux intellectuels, sur cette conscience partagée et nécessaire qui donne à l’individu le soi et l’environnement, une conscience qui pose la société comme un objet dont la nature doit être mise en cause au nom d’une sauvegarde (et bientôt d’une restauration) des aspirations morales (rien à voir avec l’éthique) de l’homme, et cela, hors toute idéologie. Conscience de crise, au sens où elle pose en principe une rupture en tant que condition nécessaire au renouvellement du destin. Cervantès, Descartes, Gracian sur le plan politique et les mystiques quand ils ordonnent la sagesse contre l’église posaient cette même question, brutale et contagieuse, de la valeur de ce qui est donné comme socialement nécessaire et dont chacun sent la nature corrompue et mensongère. Cette clef de lecture permettrait peut-être d’identifier la mondialisation comme l’acte guerrier d’une minorité dont les intérêts sont menacés par (et seront toujours menacés, l’histoire de l’esprit étant prise dans les cycles) la relativisation.
Les degrés de clairvoyance que permet de décrire la hiérarchisation fluide des monades chez Leibnitz avec des concepts tels que “perception” et “aperception”, mieux que le terme “conscience” qui pèche par chosification, donne à imaginer ce progrès des esprits cultivés vers une possible considération de “tout ce qui est” et de “tout ce qui se joue entre ce qui est” de manière à identifier un moment pivot à partir duquel la crise est intrinsèquement liée à la qualité de la conscience. A un bout de l’échelle l’homme du quotidien gagnant un horizon chaque jour renouvelé comme autant de rideaux levés sur des scènes successives, de l’autre Dieu, tout conscience. Entre deux, celui qui saisit le monde des hommes et le discute comme un tout afin de l’appareiller à son destin. Homme tragique, et pour la minorité qui fonde son existence sur l’exploitation de l’homme du quotidien, homme dangereux.