A Taru­tao, les mil­i­taires vous expliquent ce qu’on peut faire: par­courir l’île à vélo, se ren­dre par la forêt jusqu’à une chute d’eau où remon­ter un fleuve pour explor­er une grotte — nous choi­sis­sons cette option et pagayons, mais bien­tôt le ciel se gâte, et pour ce qui est d’abor­der, impos­si­ble, les berges sont tenues par des man­groves géantes aux racines en forme d’araignées. Le ciel tonne, la pluie s’a­bat sur la pirogue. Gala demande s’il faut écop­er. Avec quoi? Je pagaie. Une heure que nous remon­tons le fleuve sur une eau noire entre des berges glauques. La pluie redou­ble, une véri­ta­ble mous­son. Soudain j’avise un pon­ton. Pas de doute, c’est là qu’il faut débar­quer. C’é­tait sans compter avec la marée. Les march­es qui mènent au pon­ton ruis­sel­lent. Je pose la main, elles sont cou­vertes d’huîtres.
- C’est coupant.
- Com­mence par attach­er la pirogue.
- Quoi…?
Gala répète. la pirogue, il faut attach­er la pirogue. Oui, mais com­ment l’at­tach­er sans pren­dre pied sur les march­es? Alors je me hisse à genoux. Les huîtres protes­tent. J’at­trape la ficelle. Je veux la nouer autour du poteau. Ficelle trop courte. Ou poteau trop gros. Puis il y a urgence, je dois défé­quer. Gala pagaie à vide sous la mous­son tan­dis que je grimpe l’escalier. Tan­dis que Gala répète “il faut écop­er!”, je défèque cul nu au-dessus du vide, puis jette un par­tie de mes habits et remonte sur la pirogue.
- C’est pas la grotte.
- C’est bien ce qui me sem­blait!
- Mais c’est quoi alors?
- Un pon­ton!
- Un pon­ton au milieu de la jun­gle et c’est rien?
- Si on trou­ve rien pour écop­er, on ferait mieux de ren­tr­er!
- Ah non, on va trou­ver.
De fait, en quelques coups de pagaie nous atteignons la grotte. Même pon­ton mais en bois cette fois. Et un Autrichien per­ché sur l’escalier. Il m’aide à nouer les amar­res. Peu après deux Français. Il y a foule soudain. L’un des Français tombe à l’eau. La femme de l’Autrichien refuse de débar­quer. Elle est assise dans sa pirogue et la mous­son lui tombe sur la tête. De temps à autre, elle écope avec la main. Nous mar­chons jusqu’à la grotte sur un sen­tier est glis­sant, noueux, empier­ré. La voici. La grotte des croc­o­diles. Nous pénétrons. J’al­lume ma torche solaire. Qui n’é­claire rien. Le temps que nos yeux s’habituent nous apercevons dans le noir, posés sur une grève, deux pirogues. Ce sont elles qui ser­vent à explor­er la grotte. Deux cent mètres de long avant de débouch­er sur un autre bras du fleuve, a dit le militaire.