Lecture de J‑J. au Musée d’art moderne de Genève suivie d’un repas au restaurant. A table conversation d’apparatchiks de la culture: bourses et subventions, subventions et postes, postes et carrière. Je suis assis entre deux femmes. D’après la gouaille des françaises. En fait, des Marseillaises. Je fais signe que je ne mangerai pas. Comme il vaut mieux adapter son discours à l’interlocuteur sous peine de commettre un impair — je pourrais me révéler utile — elles me demandent ce que je suis. Ah, vous êtes Suisse? Maintenant qu’il est établi que je ne suis personne, elles échangent les informations du jour: les aides municipales, elles ont fondu, telle élue de droite, un crabe, la maison de la poésie, un beau projet, et pour conclure: Marseille est un ville dure. Oh moi, dit la première, je passe mon temps dans mon atelier. Après quoi elle explique à la tablée qu’il s’agit d’un pauvre atelier avec vue sur la mer, dans un quartier malfamé. L’autre se répand en imprécations contre un commissaire d’exposition. Après cette passe d’armes, les deux artistes marseillaises s’adressent aux Français qu’elles ne connaissent pas: et vous, vous vivez où en France? Il apparaît alors que tous les Français qui sont autour de la table, y compris les Marseillaises, vivent à Genève.