Demi ‑heure de course con­tre la pente, puis je pédale en regar­dant avec les enfantsStar­ship Troop­er, mas­sacre rigo­lo, pré­pare de la viande crue aux câpres, à l’échalotte, à la moutarde, au Whisky, ressens des ver­tiges, bois du vin, allume un feu. Nous retournons dans l’ate­lier regarder un Hitch­cock, La Corde. Les enfants au lit, j’avale un sachet d’aspirine, me couche. A trois heures Arto frappe à ma porte: “je n’ar­rive pas à dormir”. De mon côté pas fer­mé l’oeil: écrit trois pièces pour Sin­is­to­ria, mau­dit Gala, organ­isé mes entre­tiens avec les avo­cats, la banque, la police. Arto se ren­dort, pas moi. A 5h30 je suis debout et manque tomber dans la douche. Ver­tiges accen­tuée. Il pleut. Je glisse une fac­ture de l’as­sur­ance mal­adie et songe à me présen­ter aux urgences suiss­es une fois déposés les enfants à l’é­cole. Brouil­lard sur la route. La voiture d’en­tre­prise rem­plie de cadres pré­parés par la femme de ménage et son mari ce dimanche, de scotch, d’af­fich­es, de paires de chaus­sures (tra­vail-pluie-pas pluie), de man­u­scrits, de télé­phones, de livres. 6h20 arrêt à la boulan­gerie de Bel­le­garde, crois­sants de récréa­tion, baguette de sec­ours. Arto au train de Satigny, Loé à l’é­cole avec une heure d’a­vance sur la cloche. Olof­so en pyja­ma, à qui j’emprunte un cad­die à com­mis­sions mod­èle grand-mère. Autoroute pour Lau­sanne, embouteil­lage vers Morges. Dido, seul disque à bord, en boucle. Yver­don, aux Ingénieurs, halte toi­lettes, affichage et dépôts de fly­ers. Affichage en ville. Sourires dans les cafés. Des ivrognes et des vieil­lards au comp­toir. Il est tôt. Bru­ine. N’ayant glis­sé que CHF 0,50 dans l’horo­da­teur, je cours: 25 min­utes pour com­pléter la tournée. Neuchâ­tel. Dépôts et affichage à la Haute école de ges­tion, puis la voiture pour les bor­ds du lac, hau­teur uni­ver­sité. Je ren­tre dans les cafétérias, sac au dos, je scotche, je pho­togra­phie les affich­es posées. Neuf heures, 80 A2 dans la ville et dépôts pour le Cul­ly Jazz dans les bistrots. B. appelle. Il veut des ren­seigne­ments pour le devis Euroscg. Quel prix le visuel? Quel couleur les T‑shirt des employés? Où les trou­ve-t-on? Je toque aux vit­rines de H&m. Fer­mé: lun­di. J’in­siste. Une vendeuse ouvre. Elle con­seille. Des polos orange? Non, pas dans notre col­lec­tion d’été. Je rap­pelle B. Con­sulte le site de L.O.G.G. Ce que m’a dit la vendeuse de H&M. Puis direc­tion le canal de Thielle et Fri­bourg. Je cherche un restau­rant sur les bor­ds de route, repère au pas­sage la prison de Bel­le­chas­se (dont il est ques­tion dans la biogra­phie de papa que j’écris ces jours), plus d’essence, cherche la sta­tion la moins chère, roule sur Düdin­gen, renonce à trou­ver un plat du jour dans les vil­lages, gare la camion­nette devant la cathé­drale, com­mande le menu au Café des Arcades. La serveuse hon­groise apporte le plat avant la soupe, la patronne hon­groise apporte un café au lieu de l’ex­pres­so. Un client me livre des affich­es devant le café. Je déplace la camion­nette. Deux heures payées au-dessus de l’u­ni­ver­sité Mis­éri­corde. Un marteau-piqueur de vrille les oreilles tan­dis que je charge mon cad­die de fly­ers et d’af­fich­es, rem­plis mes poches de scotch dou­ble-face, de scotch clair, la tru­elle, la liste des lieux, la carte de Fri­bourg, les leviers pour cadres sécurisés, et le chif­fon, le pro­duit à vit­res, les deux porta­bles. Il pleut. Je dessers Tivoli, la rue du Tem­ple, le Bd de Pérolles, la route de la Fonderie. Au Fri-Son, les net­toyeurs me tirent un café. Je change les affich­es. Cadre dou­ble, celui des parte­naires, impos­si­ble à manip­uler. J’ai le mal­heur de pos­er les affich­es au sol, elles pom­pent l’eau sale. Et à mesure, il me faut jeter des kilos de papil­lons, de brochures, de cat­a­logues pirates dans des poubelles de villes faites pour les mégots cig­a­rettes, ser­rées comme un fion. Suis dans un tun­nel, au pas de course, lorsque le télé­phone sonne. Une dame. Vous pou­vez vis­iter main­tenant si cela vous con­vient. Je demande qu’on me répète l’adresse. En effet, c’est moi, mer­ci : j’ai envoyé une demande la veille. Je reviens à la camion­nette. Détrem­pé. Je retire mon pan­talon de tra­vail, mes godil­lots, mon gilet, je passe une chemise blanche, un jeans. Petite vil­la rue des Dail­lettes. La dame me fait venir à 16h30 pour que je ne réveille pas son bébé. Il est réveil­lé. Bel apparte­ment, avec jardin, mais : il faut faire la concierg­erie. Dame est bolivi­enne. Nous pas­sons à l’es­pag­nol. Je retourne gar­er au cen­tre, me change, cours à la rue de Romont, trie des pirates dans un présen­toir, me recoiffe dans un WC pub­lic. Deux­ième vis­ite. Prévue à 17h15. A l’heure dite je suis à la rue du Criblet. Mais je n’ai pas le numéro de l’im­meu­ble. Je cherche le nom de la locataire sur les éti­quettes des boîtes, ne trou­ve pas. Je cours jusqu’à la route des Arse­naux, fouille sous les affich­es, trou­ve mon bloc: c’est le 6! Je cours jusqu’au Criblet et sonne . Pas de réponse. J’ap­pelle le père de la locataire. Ma fille arrive, elle va vous ouvrir. Vis­ite de l’ap­parte­ment. 5 min­utes. Rien à voir. Petit, mod­erne, sans intérêt. Par­fait. Je dis: je prends. Je retourne aux Arse­naux. La neige com­mence de tomber. Autoroute pour Lau­sanne. Dido, en boucle. Détout par l’u­ni­ver­sité. Park­ing de l’In­ternef. Quand j’ou­vre le cof­fre, trois cent pro­grammes de la Mal­ley dance se répan­dent sur le park­ing. Les profs, les élèves, les sécu­ri­tas se deman­dent ce que je vais faire. Je charge mon sac à dos, affiche à la sor­tie des aulas, remonte dans la camion­nette direc­tion Genève. Au pas­sage, voiture en feu, flammes dans la nuit, elles dansent au-dessus du cof­fre. Plus loin, sur l’aire d’au­toroute, un stand de saucisse, et les pom­piers, les arbres dans la neige. Et tou­jours Dido. Je gare sur la place du bureau, décharge, jette les mac­u­la­tures, achète 1,5 litres de bière chez la Tamoul, pho­to­copie mon passe­port, mes fich­es de salaire, mes doc­u­ments d’as­sur­ance, écris une let­tre de moti­va­tion pour l’ap­parte­ment du Criblet, apporte ça à la poste, prend la BMW, passe la fron­tière, à Lhôpi­tal mange le fro­mage de chèvre que je traîne depuis la veille, prend des notes, lis Anony­mous, me couche, me lève à 8h00, vais chez les flics de Bel­le­garde leur con­firmer mon refus de prélève­ment ADN, ils me col­lent con­tre un mur, me pho­togra­phient, prenne mes empreintes, dix doigts et les paumes, avez-vous des tatouages? des cica­tri­ces? des pierc­ings? Quel est votre revenu men­su­el?
- Je refuse de répon­dre à cette ques­tion.
Pen­dant l’in­ter­roga­toire, j’ap­pelle Gala. Voix de fer.