Mois : août 2009

Toute la vérité sur le théâtre: à force de frap­per aux portes, elle finis­sent par s’ouvrir.

Ce qu’on appelle “action” et dont la syn­thèse est déclin­able sous la forme de “principe” au sens moral de ce terme — “j’ai des principes et c’est pourquoi j’a­gi­rai de telle sorte que…” — n’est qu’une réac­tion face à la sit­u­a­tion, en fait la série des mou­ve­ments néces­saires à la préser­va­tion, dans cette sit­u­a­tion, de notre posi­tion rel­a­tive. C’est après-coup, afin de jus­ti­fi­ca­tion per­son­nelle, qu’on énonce cette action sous la forme d’un principe.

Paris, ville-miroir, la beauté à tous les coins de rue, ville où l’on se mon­tre. Berlin, vaste friche, mar­quée de vides, ville d’ac­tion, cha­cun se promène une pioche sous le bras.

Quelqu’un qui remar­que ce qui a lieu chez son voisin, mon voisin par exem­ple, jeune motard sym­pa­thique, plus que ça, gen­til, rem­pli d’en­fants et habi­tant une ferme. Hier il remar­que que des mon­ceaux de poly­stirène dis­posés con­tre la façade pour enlève­ment plusieurs plaques ont volé à la faveur de l’or­age et jonchent les champs alen­tours, ce que je ne pou­vais ignor­er. Remar­quer ce qui se passe aux alen­tours de sa ferme me viendrait pas à l’idée et le remar­quant je me ferais fort de le taire.

Rien de plus pénible que de recevoir ses amis des jours d’af­filée, ou il y faut un château. Par­ler sans cesse, de rien. S’en­tretenir. Quand vient le moment de s’ex­cuser, je suis heureux de pren­dre le chemin du lit, en cham­bre je m’aperçois qu’à ce régime même la lumière est de trop et j’éteins, pressé de me défaire.

A Gim­brède, petite voi­sine au tal­ent enfan­tin dont le rire fait tres­sauter quand il sur­git vif et spon­tané. Le soir, ses par­ents dis­putent une par­tie de boules sous les pla­tanes. Et le lende­main matin, à peine son­nées les cloches de dix heures, elle reparaît à notre porte, vient jouer. Demande si elle peut manger à midi, rester un peu le soir. Le lende­main, c’est L. qui tra­verse la place, va chez la voi­sine, dis­paraît tout le jour et demande encore à dormir là-bas.

Le poiri­er et le pêch­er agi­tent leurs branch­es dans la chaleur, l’herbe jau­nit, les chats dor­ment con­tre les march­es de l’église. Je n’en­tend pas une voiture. De la forêt au Rhône, le paysage est un. L’ate­lier n’a pas de fenêtre qui puisse s’ou­vrir et il faut pour per­sévér­er se met­tre à moitié nu. Dans cet état j’écris des let­tres fic­tives pour Voies sec­ondaires, et parce qu’elles sont fic­tives — en par­tie au moins — il leur manque le coeur et le souf­fle. Il est à crain­dre qu’elles n’aient le car­ac­tère for­cé de ces cour­ri­ers écrits sur demande à des des­ti­nataires indif­férents, let­tres de remer­ciement par exem­ple. Mais si j’en écris dix, douze, ou plus, la fatigue aidant…

La lib­erté est d’être presque seul. L’é­conomie monachique tend à cela. Comme les organ­i­sa­tions prim­i­tives notre société noie l’in­di­vidu dans le groupe. Autre­fois liée à l’é­conomie de survie, la mise sous tutelle de l’in­di­vidu est aujour­d’hui affaire de choix.