Mois : avril 2009

La nou­velle généra­tion veut amuser et séduire. Elle fuit le sérieux comme une mal­adie. Elle monte sur scène. Des affaires sérieuses elle fait un spec­ta­cle. D’elle-même elle fait un spec­ta­cle. Force est de régler les prob­lèmes que le spec­ta­cle ne peut régler. En coulisse on passe le bal­ai, on tranche les têtes, on foule la liberté.

Le scep­ti­cisme est un sys­tème à bal­ance. Les deux plateaux pleins, ils s’équili­brent. On jette la bal­ance. Le choix est alors entre l’ar­bi­traire ou le silence. C’est l’heure de la déraison.

Chaque vil­lage a son héros. Au bistrot de la place, à l’épicerie ou à la poste, il faudrait deman­der son nom, son adresse et s’il est mort, son his­toire. Com­ment est-il devenu le héros d’une poignée d’hommes? Celui dont on par­le? Celui qui défait la banal­ité? Dans ce groupe des héros, autant de canailles que de des­tins selon la loi. Le com­mun les tient en même estime.

Bali, Hobo­ken ou Oax­a­ca — seul compte le bitume sous nos semelles. Tant qu’ils ne sont pas réal­isés, ces mirages nous dévi­talisent. Fer­mer les yeux pour tarir leur représen­ta­tion et sen­tir que le corps a deux semelles et repose sur une por­tion de bitume. Cet autre chose qui nous réclame là-bas nous rav­it. Cet autre chose détru­it l’e­space, pré­cip­ite le temps, rap­proche la mort jette con­tre elle. C’est de l’e­spoir, mais une forme d’e­spoir qui met l’être en supend, le tient dans un faux espace. Ce qui peut avoir lieu le peut en nous, à l’in­térieur du corps posé sur ses semelles.

Au cen­tre du tun­nel il trou­va une cahute. Le fonc­tion­naire qui l’oc­cu­pait alluma une torche, lui remit un tick­et et atten­dit la main ten­due.
- Je n’ai rien sur moi.
- Il faut pay­er.
Comme il rebrous­sait chemin.
- Non, ce serait trop facile.
- Je vous dit…
- Et com­ment comptez vous pay­er la sec­tion du tun­nel que vous avez par­cou­rue?
- J’ig­no­rais.
- Les autorités du tun­nel sont strictes.
- Qu’est-ce que je peux faire?
- C’est votre prob­lème. En tout cas n’e­spèrez pas ressor­tir sans avoir payé.

Si l’on veut se représen­ter l’en­ne­mi de notre société, le mieux sera de se représen­ter l’en­ne­mi tel que notre société se le représente, puis de chercher à quel intérêt répond cette représen­ta­tion. Là où est l’in­térêt est l’en­ne­mi véritable.

Un nuage sur le Vuache comme je n’en ai pas vu. Enorme, dense, bas. Une sorte de bon­net à théière, un nuage posé. Un pilote fan­tasque igno­rant la géo­gra­phie locale aurait cer­taine­ment dirigé son appareil sur la mon­tagne croy­ant ressor­tir de l’autre côté.

La tolérance que revendiquent ces jours les gou­verne­ments occi­den­taux pour le compte des mass­es traduit la lâcheté d’hommes bien infor­més qui man­quent du courage d’ex­clure des démoc­ra­ties les indi­vidus qui n’ont pas pas la capac­ité de se repecter. Ils dis­crédi­tent ain­si dans son principe le respect d’autrui et provo­quent la fail­lite de la lib­erté sociale. Par­mi ces nihilistes, il doit aus­si y avoir de véri­ta­ble fas­cistes, con­temp­teurs d’une idée de caste supérieure. Ils pensent peut-être vivre un jour ailleurs, ou séparés et s’ils sont vic­times de cette illu­sion c’est parce qu’au­jour­d’hui — et chaque jour un peu plus — la masse tolère qu’ils vivent autrement ou , ce qui revient au même, appel­lent “démoc­ra­tiques” nos systèmes.

Un pla­ton­isme sans Dieu (sans Idées) où l’on trou­verait à la légiti­ma­tion de l’iné­gal­ité sociale entre les indi­vidus un principe nou­veau. Nou­veau et qui n’aboutisse pas à la guerre. Ce qui nous ramène à l’ex­pé­di­ent d’un Dieu…

Tout et son con­traire — furieux, quit­tant une posi­tion pour aller à l’autre, l’autre pour revenir à la pre­mière, n’ayant de cesse de quit­ter, de chang­er la posi­tion, aimant arracher, ce qui fait sen­tir la vie, ce qui la met à quelques cen­timètres de ce qu’elle nie dans cette fébril­ité, la peur, la mort.