Ecriture

Les auteurs de grandes œuvres sont pleins d’e­spoir ou alors ils ont per­du tout espoir. Entre deux, ils sont humains, inclinés vers le marché, rom­pus aux rites du littéraire.

Foi et raison

Dieu est la pos­si­bil­ité de penser ce que nous ne sommes pas. Cette pos­si­bil­ité fait que Dieu est une ques­tion, et peut-être la ques­tion. L’église répond et ces répons­es ne sont que des pos­si­bles. Elles ouvrent une voie qui, emprun­tée, amène l’in­di­vidu à se con­cevoir dans un rap­port à Dieu, c’est à dire à ce qu’il n’est pas et véri­fie sans cesse n’être pas. La foi devient alors, sans plus aucune néces­sité d’église, volon­té d’ac­com­plisse­ment de ce que l’on voudrait être.

Rythme

Le soir venu, j’aime me dire que j’ai fait ce que je me pro­po­sais de faire (par tranche d’un jour). Jusqu’i­ci, le compte est bon.

Présence

Jouis­sance vis­i­ble chez cer­tains qui par­lent fort à dou­bler leur corps physique d’un corps sonore.

Recours au désert

Plus est dense la société plus les com­pro­mis sont grands. Bien sûr le matériel. Et le con­fort. La navette, le va et vient de l’ar­gent… Mais l’homme dans tout ça? Le plaisir? On se sur­prend, si jamais l’on y songe, à n’ex­is­ter plus.

Obstacle

Que nous dis­ent les gens? Qu’ils ne veu­lent pas savoir.

Chiens

Epidémie de chiens. Il n’y a pas fab­rique du silence, mais il y a fab­rique du bruit. Les ani­maux conçus en éprou­vette, con­géni­tale­ment per­tur­bés, aboient. Sur le marché, une bête de com­pag­nie pèse son poids de cro­quettes. Ain­si va l’é­conomie, elle pour­rit la vie des gens en mul­ti­pli­ant les nui­sances: qui rem­plis­sent les tiroirs-caisses.

Automne

Grand silence. Fontaine au loin, som­meil aidé — j’ai avalé pour tenir la dis­tance, éviter de longues plages dialec­tiques, à se per­dre et se chercher, de la méta­do­line. Endor­mi, je pense : “ça ne marche pas ce truc, je ne dors pas”. D’ac­cord, je suis fatigué. Donc je peine à trou­ver le som­meil. Avant de don­ner same­di huit heures de cours (défense, évac­u­a­tion, refuge), l’estom­ac per­foré par une tranche de cabil­laud dans son huile, je n’ai pas fer­mé l’oeil. Alors je récupère. Et j’ai mal partout (la par­tie pieds-poing du cours). Rêve qui tourne au cauchemar qui tourne au rêve. J’ap­prends à con­naître mes amis. Cer­tains que je n’ai pas vu depuis vingt ans. D’autres qui ces jours ne me font pas réponse mais, dans le rêve, avouent des traits de car­ac­tère que je ne con­nais­sais pas. Soupçon­nais. Traits qui sont étranges, dan­gereux. Je me ren­dors. Est-ce que je dor­mais? Cela va mieux. Beau soleil. L’oiseau est de retour. Il sif­fle. Je sif­fle. Nous cau­sons. Le matin, mais il est déjà tard, je me décide à cor­riger le pam­phlet. D’abord au jardin, alors que l’ou­vri­er fraise le por­tique de notre église, l’ou­vri­er est sous les nuages, au-dessus de la mai­son. Puis à mon bureau, ravi d’être aus­si out­ranci­er. Le pam­phlet, plus facile que l’es­sai. Dif­fi­cile d’écrire dans les règles de la rai­son. D’ailleurs! “Gou­ver­nance et gam­ing”, envoyé ici et là et encore et à mon édi­teur habituel, pas de réponse, pas même un accusé de récep­tion. Le monde, plat comme un marché où per­son­ne n’ose plus pub­li­er son opin­ion, dire sa posi­tion, revendi­quer son idée.

Demain (notr pays)

Nous écrirons les mêmes livres, nous enreg­istrerons les mêmes titres, nous par­lerons la même langue et aurons le même car­ac­tère, nous serons celui que nous ne sommes pas, soit ce que nous sommes; l’in­di­vidu aura son musée, la notion de “per­son­ne” devien­dra dif­fi­cile à saisir, un con­cept pour intellectuels.

Campagne

Ne pou­voir par­ler de rien avec per­son­ne, c’est aus­si un des plaisirs de la campagne.