Laissé là mes lectures. C’est l’été. Les citadins affluent, la place est transformée en parking, les gîtes ont leurs locataires. Durant le mois d’août, le rite des initiés est constant : en matinée courses de vélo pour les hommes, marches en montagne pour les femmes puis apéritif au bar et sieste. En début de soirée, jeux de fronton et baignade dans les trous d’eau rivières (celles qui ne sont pas à sec) et à nouveau apéritif. A partir de onze heures, quand la température baisse, les voisins s’invitent les uns les autres, ils allument des feux, ils font griller de la viande (l’interdiction des feux intervient d’habitude fin août). Lorsque je me couche, les enfants sont dans la rue, ils ont la permission de 1h30.
Don
Un paysan n’est pas bête. Il est bon ou mauvais paysan. Ainsi de l’artisan et de tout individu qui pourvoit au maintien de la vie. Alors qu’un citadin — aujourd’hui — avant d’être citadin (plus grave: s’il veut le rester) est bête (doit l’être). C’est le sens du célèbre dialogue entre l’Ingénieur de la Compagnie pétrolière et Hacinto Yanyez dans le roman Rosa Blanca de Bernard Traven. L’ingénieur veut acheter, investir, pourrir la terre; le paysan ne comprend pas que l’on puisse faire autre chose qu’en tirer du maïs. Dialogue qui est l’opposé des élucubrations pour citadin du Don Juan de Castaneda, ce charlatan. Bref, le sens de la vie ne fait pas débat chez l’homme qui a l’intelligence terrienne. Aujourd’hui nous sommes aux prises, entre fabrique du désordre et désordre des convictions avec la pire des confusions, celle qui s’ignore.
Herbe
Débroussaillé des milliers de mètres. Enfin! L’autre jour j’étais furieux: je fais l’achat d’une débroussailleuse professionnelle, la charge dans le van, vais à Piedralma, déballe et monte. Quand je veux lancer le moteur, je constate que la machine est livrée sans son fil de coupe. Il a fallut attendre. Retourner à Puente, revenir avec la bobine. Mais voilà qui est fait, j’ai dessiné sur le sol des circuits de puissance: le terrain a ses sentiers, ses îlots ras, son accès à la rivière, là où ces jours nous prenons nos bains.
Front
Ce que je fais me fatigue. Pas de le faire mais d’y penser quand je mets en suspend ceci pour faire cela. Activités de front. Si variées. Ces jours, création de la société commerciale phase négociation avec des ingénieurs industriels; documentation dans le domaine des sciences cognitives pour l’écriture de l’essai; dessin des plans de la cabane (forme d’origine un dôme, pas simple); répétition d’un sketch comique; entraînement vélo; et création d’un cahier d’ “objets non-identifiés” basé sur des combinaisons de morceaux de vaisselle (que je photographie).
Suisse
Ami de Lausanne, je le connais depuis quarante ans, il me confie ne plus se reconnaître dans ce “bric-à-brac informatisé” et “mortifère”. J’ai fui. Chaque jour je m’en félicite. Silence, eau, forêt, à distance des villes verrouillées, à distance du grand appareil malade — qui nous rend malade.