Malades

Ces gens pour qui la mal­adie est une rai­son de vivre. Affec­tés de ceci, de cela, tou­jours malades. Ne le sont-ils plus, ils cherchent le moyen de tomber malade.

Rêve

C’est un exa­m­en de cul­ture générale, dis­ais-je à Mon­frère, pas de théolo­gie, on ne te demande pas le con­tenu de Dieu!

Impasses

Je prends des notes, m’in­téresse au prob­lème des tours de Hanoï, fais la vais­selle, cherche des films de Julien Duvivi­er, de la musique indépen­dante; soudain j’éprou­ve le besoin de m’al­longer, ce que je fais sur le canapé. Une mouche m’a­gace. Je la tue. Une autre. Je la tue. A la troisième, suf­fit! Je descend dans la cham­bre à couch­er (elle est en par­tie enter­rée). Sur le point de rabat­tre les volets intérieurs, j’aperçois Sanz. Sa tête est à la hau­teur de la fenêtre. Comme un renard approchant des poules, il est à l’af­fût. Je toque con­tre la vit­re. Il sur­saute. J’ou­vre.
-Que fais-tu dans cette impasse?
-Il y a des femmes der­rière ton jardin, je voulais les voir.
Nous rions. Je fais le noir, je me couche. Pas de ver­tiges, mais une fatigue! Dor­mi dix heures la nuit dernière, je me ren­dors. A la fin, je rêve que je rêve. Gala est dans le couloir, adossée à la paroi.
-Maman!
Elle est aus­si dans mon lit.
-Maman, maman!
Un phénomène de bilo­ca­tion, me dis-je. Et pour faire venir Gala du couloir dans le lit, je crie:
-Maman!
Ce qui me réveille.

Reflux

En con­va­les­cence — mais de quoi?

Vertiges

De nou­veau des ver­tiges. A peine éveil­lé, la tête sur le côté, j’ou­vre les yeux et le corps bas­cule. Il s’en­v­ole, se posi­tionne au-dessus du lit, revient. Les yeux clos, je fixe un point imag­i­naire. Un peu mieux; mais je n’ose plus bouger. Or, il faut se lever. Assis, que se passera-t-il? Et debout? L’an dernier, à Pâques, dans ce chalet de loca­tion, à Hauteluce, lorsque le matin je me plan­tais devant le miroir de la salle de bains, à peine aperçu mon vis­age, le corps s’en allait m’oblig­eant à me retenir au lavabo.

Paroles

Sen­ti­ment que les gens ne par­lent pas. Ils par­lent, oh, ils par­lent, et en Espagne plus qu’ailleurs, mais il ne se dit rien, der­rière les sons c’est à peine s’il y a des mots, du sens, de la force.

Longue vie 2

Me tra­vaille aus­si l’idée d’un départ qui serait un arrache­ment heureux, toutes cir­con­stances habituelles mis­es de côté, de ces départs intem­pes­tifs pour des lieux sans attach­es (la légèreté ain­si acquise ayant pour fatale con­trepar­tie une appro­fondisse­ment de la solitude).

Longue vie

Je com­mence à trou­ver la vie longue en ce sens que je décou­vre avec éton­nement et même incré­dulité, quand l’oc­ca­sion en est don­née, pho­togra­phies, anec­dotes ou sou­venirs, celui que je fus

Querelle

Ces jours, occupé à me quereller à dis­tance, par mes­sages, avec Gala, dis­ons plutôt me bat­tre au vue de l’en­jeu, une défini­tive sépa­ra­tion, bien qu’il entre dans ce con­flit peu de mots écrits, d’o­raux aucun, ce qui laisse autant et plus de place au tracas.

La cognition

A l’in­stant au pied de l’église, en par­tie haute du vil­lage, pour lire ce livre épais au titre inquié­tant, La cog­ni­tion (je veux traiter des rap­ports entre cyberné­tique, postlibéral­isme et démoc­ra­tie de masse dans l’es­sai promis à l’édi­teur pour octo­bre) qui en plus d’être pas­sion­nant se lit plus facile­ment que je ne l’imag­i­nais, à moins que je n’ai fait de pro­grès de com­préhen­sion, ce qui au regard de l’ef­fort pro­duit l’an dernier lorsque j’ai com­mencé de tra­vailler le sujet est prob­a­ble. Du parvis de l’église, fer­mée depuis le départ du dernier curé devenu pro­fesseur de ski, on a une échap­pée sur la route qui ramène dans la val­lée de l’Aragon et sur les toits de notre quarti­er, prin­ci­pale­ment celui rénové avec des pier­res plates de la riv­ière et qui appar­tient à ce Madrilène dont la mai­son mérite d’être décrite comme une lux­ueuse forter­esse cam­pag­narde; comme je l’ad­mi­rais, la com­para­nt à ma mai­son qu’il con­viendrait d’ap­pel­er une “masure”, je me sou­ve­nais des efforts inter­minables (qui de fait se ter­minèrent par la fuite hors des lieux et du pays) con­sen­tis pour assainir, via­bilis­er et rebâtir, dans l’Ain, la cure de L’hôpi­tal où je m’é­tais instal­lé en 2005. Ces efforts m’érein­taient et impli­quaient l’in­vestisse­ment de fortes sommes de sorte que quand je ne tra­vail­lais pas à la mai­son, je tra­vail­lais pour pro­duire de l’ar­gent. Fix­ant le toit impec­ca­ble du Madrilène (il se dit au vil­lage que la mai­son a coûté deux mil­lions et en vaut aujour­d’hui, après la crise, à peine un), je remar­quais que, depuis deux ans que je suis à Agrabuey, son pro­prié­taire ne s’é­tait encore jamais mon­tré, me félic­i­tant de vivre dans une mai­son qui coûte, tous frais addi­tion­nés, moins de trente euros par mois, ce qui me per­met de lire, au pied de l’église, à l’heure qu’il me plaît, des livres tels que La cognition,