Au bord de mer, dans le nouvel appartement loué en février, où, avant d’arriver à vélo hier, je n’ai dormi qu’un jour. Il est en soupente et donne sur la Plaza mayor et les montagnes rouges. A part avaler des bières, je ne fais pas grand chose. Si, je lis un roman policier trouvé dans un café, un Boileau-Narcejac. Bien écrit, bien mené, inventif. A chaque ligne, je me dis, je vois pourquoi je ne lis jamais de roman policier, que c’est ennuyeux! Puis je démonte le vélo, le glisse dans un carton, l’amène à la poste pour envoi et, par la même occasion, je récupère le jean envoyé en poste restante depuis Agrabuey, ma tablette, deux livres de philosophie et un haut parleur portable. Après, je vais à pied au centre commercial ‑celui qui se trouve derrière l’autoroute et les montagnes rouges- dans l’idée d’acheter une chemise et des chaussures, curieux également de savoir ce que projettent les six salles de cinémas. Résultat, côté vêtement je n’achète rien, côté cinéma c’est la misère. Même dans mon état de fatigue, je ne peux imaginer consacrer une heure trente à regarder de tels navets hollywoodiens. Retour sur la place où le serveur a compris: ce sera un cannette, puis une deuxième, une troisième… Un match de foot aussi, qu’on ne me demande pas quelle équipe, j’ignorais que le Mondial avait débuté. Le lendemain, un mercredi, est jour de marché. Je me remets en quête de la chemise et des chaussures. Se promener en sabots chinois à l’étape, mais ici! Et puis il me faut une ceinture. Si j’ai bien empaqueté un jean à Agrabuey, j’ai oublié la ceinture et un jean neuf, ça tombe. Un gitan me vend une ceinture de cuir noir Hecho en España pour 4 Euros. Pour les chaussures, je renonce à les trouver chez les chausseurs, je vais à la quincaillerie et choisis une paire de godillots avec embouts renforcés, ceux-là mêmes que j’ai achetés en janvier à la veille du déménagement n’ayant aucunement l’intention, de me broyer, pour la deuxième fois dans cette vie, le pied au cours d’un chantier (la dernière fois, à Gimbrède, c’était une fenêtre entière, les traces sont là). Le troisième jour, Mamère arrive à l’aéroport. En même temps commence, recommence, la discussion avec Gala: “où se voit-on? que fais-tu? se verra-t-on jamais? viens! non, toi! mais enfin!” Elle est à Genève, à écouter France-Culture, à Genève chez son amie, chez le médecin, ne peut pas venir, ne veut pas rester, ne peut décider seul, demandera au médecin. Je vais à l’aéroport. Mamère est là.
Luv
Olofso m’appelle. Troisième jour des examens, Luv est en pleurs, sentiment d’avoir mal fait, mal répondu, craignant d’échouer.
-Tant que ce n’est pas fini, ce n’est pas fini.
Réponse sibylline qui agace Olofso, et que j’explique ainsi:
-Quand au trentième kilomètres du marathon je suis fatigué, je me dis que je ne suis pas fatigué, je n’arrête pas de courir.
Sans écriture
Durant le voyage à vélo, état opposé à celui qui m’a fait écrire il y a vingt ans Trois divagations sur le Mont Arto ou encore, quelques années plus tard, Ogrorog. N’affleurent à l’esprit que des bribes de phrases. Ignorées, elles s’effacent. Je ne travaille pas. Je laisse couler. De même avec le paysage: objet pour le regard, il file. Aussi, cette méthode de roulage-écriture m’obligeait à m’arrêter sans cesse pour prendre des notes (sur un carnet fixé au guidon) car, on s’en doute, ce que l’action produit dans un cerveau chauffé ne peut-être retrouvé dans un cerveau froid. Il en va ici comme des séquences du rêve. Leur poids d’évidence nous persuadent qu’elles s’inscriront dans la mémoire; en réalité, à l’arrivée, fin d’étape ou pour le rêve éveil, il ne reste rien. Paradoxe de cette fuite à travers le temps et les lieux, s’il est plus proche de la méditation et fait la part belle au corps, il est d’emblée inénarrable.
Jours
Cette capacité à s’affronter à des problèmes simples auxquels on apporte, dans l’ordre du programme et avec une méthode à chacun adaptée, sa solution, en prenant garde de détailler les phases de la solution de façon à occuper pleinement la journée, aller prendre le pain, faire les lits, boire le café, sortir le chien, rentrer le chien, se rendre au supermarché, écouter la radio, aérer l’appartement, secouer la couverture du canapé, vérifier que la voiture est toujours dans le garage en espérant croiser quelqu’un avec qui bavarder, ressortir le chien, préparer le dîner…
Expérience
Imaginons un groupe d’individus au cerveau mal fait, pauvrement critiques et donc enclins à croire, surtout, par voie émotionnelle, aux argument d’autorité, ici incarnés dans un expérimentateur. Ces individus ont droit à tout — confort, vie sexuelle, divertissement, drogue, soins, argent — à condition d’admettre que le soleil n’existe pas. Une partie des individus va répéter qu’ ”il n’y a pas de soleil”. Elle sait que cette idée est contre-nature, mais elle part du principe que le mensonge ne portera pas à conséquence. L’autre partie des individus préfère se taire — après tout, soleil il y a.
Deuxième temps. Des arguments sont développés par l’expérimentateur prouvant qu’il “semble” y avoir un soleil et ceux qui croient qu’il n’y a pas de soleil sont favorisés par rapports aux contradicteurs. Plutôt que d’admettre qu’ils sont favorisés parce qu’ils se mentent, ceux qui se mentent tendront mécaniquement à croire qu’ils sont favorisé parce qu’ils ont raison (loi de l’égo).
Troisième et dernier temps: la seule chose qui s’oppose au confort intellectuel des individus qui dans le groupe ont accepté de croire que ce qui existe n’existe pas sont les contradicteurs, soit le reste des individus. Pour que la vérité soit complète, ils devront être éliminés.
Mais, tel n’était ‑bien entendu- pas le but de l’expérimentateur.
Souvenez-vous, il n’avait pas de but.
Contre les barbares
L’erreur philosophique consiste à imputer des approches existentielles occidentales, dégénérées, ce qui en l’occurrence veut aussi dire évoluées, à des populations qui n’ont jamais réussi à pénétrer le champ de la rationalité, nommément, puisque c’est aujourd’hui le problème, les natifs de l’Afrique. La limite de leur action est la mort, il n’y en a pas d’autre. Ainsi, tant que nous ne bornerons pas leur tentative d’augmenter leurs chances existentielles, par ailleurs légitimes, par la mort (et non la seule menace de mort), telle qu’elle borne en effet leur action dans leur pays d’origine, il n’y aura aucun arrêt aux tentatives de ces peuples exogènes de se propulser sur la scène mécanisée des grands centres de productions occidentaux, où tout ce qui ne met pas fin à l’action personnelle est déjà bénéfice.
Poubelle européenne
Une question à se poser dès maintenant, même pour les plus niais (ou les plus peureux) d’entre nous, ceux qui ont la religion de l’Etat, verbalisent et incarnent la propagande destructrice des gouvernants : où émigrerons-nous lorsque nos pays seront habités par les populations abruties, décervelées et sans-projet du tiers-monde?