Sans écriture

Durant le voy­age à vélo, état opposé à celui qui m’a fait écrire il y a vingt ans Trois diva­ga­tions sur le Mont Arto ou encore, quelques années plus tard, Ogro­rog. N’af­fleurent à l’e­sprit que des bribes de phras­es. Ignorées, elles s’ef­facent. Je ne tra­vaille pas. Je laisse couler. De même avec le paysage: objet pour le regard, il file. Aus­si, cette méth­ode de roulage-écri­t­ure m’oblig­eait à m’ar­rêter sans cesse pour pren­dre des notes (sur un car­net fixé au guidon) car, on s’en doute, ce que l’ac­tion pro­duit dans un cerveau chauf­fé ne peut-être retrou­vé dans un cerveau froid. Il en va ici comme des séquences du rêve. Leur poids d’év­i­dence nous per­suadent qu’elles s’in­scriront dans la mémoire; en réal­ité, à l’ar­rivée, fin d’é­tape ou pour le rêve éveil, il ne reste rien. Para­doxe de cette fuite à tra­vers le temps et les lieux, s’il est plus proche de la médi­ta­tion et fait la part belle au corps, il est d’emblée inénarrable.