Souris

Elles gam­badent sur la pente du talus, mon­tent dans la car­a­vane, envahissent Evola. Il a dis­posé des pièges. Cer­taines sont attrapées, d’autres volent le fro­mage. A la fin du siè­cle dernier, dans la mai­son de Gim­brède, lorsqu’une souris filait entre mes pieds, je jurais de la cap­tur­er. Bien­tôt la chas­se tour­nait court et je me répandais en hypothès­es devant un angle de mur impéné­tra­ble où elle avait pénétré. “J’en ai une qui s’est coincé der­rière le fau­teuil, dit Evola, je l’ai sor­tie avec des pincettes”. Et le faux-pla­fond? Car il me revient qu’à l’époque de la ferme de famille, elles trot­taient au-dessus de mon lit et que je m’a­gaçais à en per­dre le sommeil.

Chat

Les bouteilles de bière dans le dos, des pro­vi­sions con­tre la poitrine, je fran­chis la riv­ière chaussé de bottes en con­tour­nant les creux de courant. En haut du chemin de l’A­ma­zonie, j’aperçois Evola. Adossé au por­tail de Piedral­ma, il tient en laisse un chat. La bête m’aperçoit, bon­dit, retombe sur le ven­tre. Evola veut la con­trôler. La bête fait des bruits et griffe le ciel. C’est un chat jeune, blanc et noir. Je pose mes sacs. Le chat devient fou. Il se glisse sous la clô­ture côté forêt, se con­tor­sionne dans ses attach­es et se libère. Il a filé. Désolé, Evola mon­tre la laisse vide. Je vois alors qu’il porte des gants de cuir. “Trois jours que ce chat me fait la gueule! D’habi­tude, je m’en­tends bien. Dés que les filles me l’ont déposé, il s’est caché der­rière le poêle. J’es­sayais de le balad­er pour qu’il décou­vre le ter­rain… Il ne revien­dra pas. Tu crois qu’il reviendra?”.

Amérique 2

Ajoutant des dates, encore des dates à sa tournée d’adieu, l’empire finis­sant promène sa car­i­ca­ture à tra­vers le monde. Occa­sion pour nos vas­saux naïfs ou cor­rom­pus d’Eu­rope de se recon­naître enfin dans ce qu’ils ne sont pas (l’at­taque con­tre la vieille civil­i­sa­tion ayant aupar­a­vant tou­jours été sac­ri­fiée à l’in­térêt matériel).

Amérique

Par le com­merce et la guerre, l’Amérique impose depuis bien­tôt un siè­cle à nos cul­tures d’é­d­u­ca­tion com­plexe les caté­gories mis­érables d’un peu­ple qui a créé son his­toire dans l’ur­gence de l’im­mi­gra­tion et la rup­ture de civilisation.

Machines

N’est-il pas naïf d’imag­in­er que la machine, lorsque l’homme lui aura don­né l’in­tel­li­gence, la lui rendra?

Roumanie

Ceaus­es­cu fai­sait pro­pa­gande de ses inter­minables par­ties de chas­se dans les Carpathes. Il alig­nait devant le peu­ple des cen­taines de trophées (la plu­part des bêtes abattues par de tireurs pro­fes­sion­nels qui les attribuaient au dic­ta­teur). Pen­dant ce temps, le peu­ple affamé mour­rait. Aujour­d’hui encore, le sport le plus répan­du dans le pays est la pêche à la ligne.

Routine

Longue journée de fatigue. Réveil­lé tôt, j’ou­vre la fenêtre pour écouter les oiseaux. Des nuages sta­tion­nent au-dessus de l’église. Le soleil est rare. Qui chante ce matin? Pas les oiseaux préférés et je n’ai pas faim. Après cinq tasse de café Samaiza et la prise des nou­velles du méchant monde (dans la lit­téra­ture offi­cielle et dans l’in­sur­rec­tion), je pré­pare mes sacs: bouteilles vides de Skol, bottes de pêcheur pour tra­vers­er la riv­ière, dans le sac à dos les ordon­nances de phar­ma­cie et le cour­ri­er pour la Société Suisse des Auteurs et la recom­mandée à sa régie vau­doise qu’Evola m’a fait imprimé; le Hernán Cortés de Sal­vador de Madaria­ga et un haut de coton ther­mique pour dormir la nuit en forêt dans la valise sou­ple . Mon­taño est à l’heure. Il toque. “Les pho­tos de com­bat?”. Une fois encore je le remer­cie pour son tra­vail. Le VTT est dans la rue. Net­toyé, présentable, plus que présentable. En 2015, j’ai cou­ru les 101 kilo­mètres de la Légion de Ron­da avec ce VTT. Mon­taño l’ad­mire, “Tu per­me­ts?”. Il part l’es­say­er. Au tour­nant de la rue, pile devant la fontaine: “Alexan­dre, tu me dis que tu descends à Puente? Tu sais qu’il y fête, que le cortège bloque la route?”. J’ap­pelle Evola: “annule le ren­dez-vous, tout est fer­mé!” Evola embêté: “moi qui venais me rav­i­tailler, j’ai plus un radis à Piedral­ma…” Puis il avait à poster sa recom­mandée. Celle que j’ai imprimée, que j’ap­porte. Mon­taño réap­pa­raît. Hale­tant, il dit: “j’ai grim­pé le sen­tier du Renard, nom de Dieu, une mer­veille ton vélo!” Pour ne pas l’embarrasser, j’ai artic­ulé le prix de vente avant qu’il ne se mette en selle. Main­tenant, il demande: “Tu es sûr?”. Car c’est trois fois moins que le prix du marché. Hier avant de me couch­er, j’ai acheté un surf Bic 7.2 à une fille du pays basque. Vas­es com­mu­ni­cants. Et depuis que j’ai man­qué mourir du cœur sur la plage de Mala­ga en novem­bre 2022, je ne monte plus les murs à VTT. Voilà: Mon­taño s’en va, il va être midi, d’habi­tude l’heure à laque­lle je me réveille. Un assi­et­tée de pâtes et j’al­lume un feu. Je me répands sur le canapé, je lis (Hernán Cortés), je dors. Cette fois c’est pire, je suis vrai­ment fatigué — je me traîne. Après quar­ante kilo­mètres de vélo et deux litres de bière, c’est mieux, j’é­coute une con­férence sur Le fil­trage cog­ni­tif, je me remets, et je cuis des patates, je par­le à Gala, je par­le à Evola (j’i­rai demain dormir dans la forêt), j’al­lume un autre feu.

Raison

“Tu as donc tou­jours rai­son?”. Non, pour une fois tu as raison.

France

Le meilleur sou­tien d’un régime est l’in­di­vidu qui souf­fre sans trou­ver le courage de surseoir à la souf­france: il n’au­ra de cesse de nier son malheur. 

Tendance

Etrange que les gens trou­vent les gens étranges. Inquié­tant qu’ils le soient de moins en moins.