Sorte de pâtes en forme de “petites ficelles”.
Cactus
Posé sur ma table de travail un cactus, comme j’ai l’habitude de faire depuis mon installation à Malaga. En pot, pris au marché du village, je l’ai choisi en raison de son zoomorphisme. Quand on le regarde sous un certain angle, il ressemble à un éléphant. Se détachent les oreilles souples et vastes, un début de trompe, deux mains naines. Puis le doute m’est venu. Le marchand l’aurait-il trafiqué? A‑t-il confectionné ce cactus? Dans quel cas certaines excroissances vont faiblir avant le tronc. J’observe.
Livres d’Amérique
Bret Easton Ellis, dont j’ai tellement admiré le premier roman, Moins que zéro, lu il y a trente ans, ce matin à la radio pour un entretien, et quelle déception: lent, pataud, bonhomme. Un Américain critique, initialement surdoué, encore intelligent, mais si peu intellectuel, si peu langagier, si peu cultivé. Peut-être m’étais-je égaré? Ecrire Moins que zéro ou Les lois de l’attraction est impossible pour un Européen: trop de mémoire, de philosophie, de raffinement. Pas assez d’images au quotidien. Un défaut rédhibitoire de plasticité. Aussi, l’animateur de France-Culture! Poncif sur poncif. “Maintenant que vous êtes ici, à Paris, la ville des Lumières…”. A‑t-il seulement lu un des sept roman d’Easton Ellis? Ainsi, dans la dernière génération, Jim Harrison ferait exception. Chez cet écrivain, on devine une culture authentique: littérature, peinture, cuisine, histoire. Et ce n’est pas du vernis, il vivait dans la Montana. Vernis un Tom Wolfe, supercherie un Don Delillo, névrose (et belle qualité littéraire) un Paul Auster, mais pas Harrison.
Roi de Suisse
Ecrire Le roi de Suisse m’amuse. Je ris. Le rire participe de l’écriture. Rien de tel que de manipuler des vies courtes et caricaturales au moyen de la farce. Un monde grotesque où chaque coup porte, aucun ne tient. Amusant encore de constater qu’il ne peut y avoir programme. Le théâtre, dans son essence, est subversion. Les répliques tirent les personnages à hue et à dia. L’auteur doit se laisser entraîner. Il n’est que de juger par les oeuvres engagées des années rouges: qu’en reste-t-il? L’absurde a mieux résisté. La farce, elle, est éternelle. Elle ne s’accompagne d’aucune métaphysique. Elle convient et peut plaire parce que les hommes, tous les hommes, mêmes les plus sérieux, savent dans le for intime que leur action s’apparente à une farce.
Minorités 3
L’égalitarisme est un projet d’indifférenciation. Autrefois marxiste (liquidation de la bourgeoisie) et communiste (homme nouveau), il est aujourd’hui cybernétique. La personne doit faire place au système. L’individu sans qualités distinctives ou cumulant toutes les qualités admises (ce qui revient au même) est l’unité de fabrique de l’ensemble social. Il convient ici de revenir à la plus connue des citations de Paul Valéry, qui est aussi la plus mal comprise: “enrichissons-nous de nos mutuelles différences”. Ce qui sous-entend des différences. Précisons: reflets d’une histoire. Les minorités qui revendiquent des droits secondaires servent ainsi d’épouvantail au système pour abolir le type d’être issu de la construction humaniste par le langage, l’histoire et la technique. Désormais, la technique est seule est en faveur: elle chiffre les récepteurs, mesurent les besoins, agencent les individus, codifie les rapports, et supprime l’homme. Dans cette logique, après les immigrés, il est tout a fait normal d’introduire dans la société les animaux, et de leur conférer droit égal. Le principe fonctionnaliste autorise a priori l’extension.
Travail
Chaque jour l’impôt est moins justifiable. Les manifestations de gilets jaunes français ne sont que l’avant-goût de l’exaspération qui gagne ce qu’il reste de peuple au travail. Comme tant de fois dans l’histoire antécédente, l’argent échappe des mains des laborieux pour alimenter une hiérarchie abusive et sa clientèle d’assistés.
Apprendre à lire
Convaincu que la lecture est l’expérience personnelle par excellence. Qu’elle seule est capable de solliciter l’entière richesse de notre psychologie, harmoniser idée et action, tracer une voie originale et heureuse. Ainsi, je me lamente de l’effrayant changement de paradigme qui plonge la génération nouvelle dans le bain des images. Quand comprendra-t-elle que le monde lui est refusé? Qu’elle n’appréhende qu’un univers de fabrique où l’on se meut selon un scénario préconçu, de ce fait aussi statistique et prévisible comme le sont fatalement les approches collectives?