Journal d'inconsistance

Après avoir cor­rigé pen­dant des heures mes para­graphes sur le raison­nement analogique chez les Cybernéti­ciens, je suis sor­ti me promen­er dans le dernier soleil. Près de la riv­ière Mili met­tait ses mou­tons à l’en­c­los. Je suis remon­té par la route. Les pre­mières hiron­delles planaient bas. Arrivé devant le cimetière de l’église, j’ai pen­sé : je serai là. Tourné vers la plaque de rue qui gravie la mon­tagne, face aux tombes, j’ai lu. Si je me relève, je me sou­viendrai du nom, j’i­rai dans la bonne direc­tion. Main­tenant que je prends cette note, j’ai oublié le nom de la rue.

Si l’on pou­vait échang­er ses maux, je céderais volon­tiers mes acouphènes con­tre quelque affec­tion moins sonore, car si j’aime le bou­can j’aime encore le silence et son repos ne m’est plus loisible.

Ce soir au télé­phone, je fai­sais val­oir auprès d’Ap­lo que par­fois pen­dant dix min­utes je cesse de remuer. Ou plutôt de faire. Je cesse de « faire ». Enfin j’es­saie. Car je ne tiens pas deux min­utes. Le vide appa­raît, je le comble. Cela fatigue. Immense chantier, dont j’ig­nore la rai­son et le but, qui nous fait ouvri­er de nos jours.

Creusée d’in­nom­brables portes et fenêtres, la façade de l’im­meu­ble ressem­blait à un cal­en­dri­er de l’Avent mais l’homme qui tenait l’échelle était lour­de­ment armé.

Les gens intel­li­gents ne se don­nent pas pour ce qu’ils sont parce que l’in­tel­li­gence ne fait pas image.

« Cette femme n’a aucun pou­voir sur moi ! », allait-il cri­ant par les rues du village.

Le courage d’être d’ac­cord avec soi-même.

Chaque année je vois reparaître lors des fêtes du vil­lage les mêmes fig­ures. Ceux qui por­taient beau dans l’én­ergie des pre­mières ressources ont sen­ti peser le des­tin. Chargés, ils baladent des vis­ages moins amènes, des corps trem­blés. Bien­tôt le fardeau les pli­era. Le voûté pris ils ne seront plus à hau­teur d’hori­zon et irons ain­si sur un chemin qu’ils ne s’é­taient pas tracé, aimant sans aimer, se pré­valant du devoir et de la famille et de la néces­sité. Une société, c’est cela, per­son­ne ne la souhaite, cha­cun la produit.

La poésie est réservée aux poètes. La poésie ne se lit pas, elle se crée, elle se vit.

Les plus belles choses sont celles qui, sans être mar­quées au sceau de l’in­fi­ni, passent lente­ment mais passent.