Des milliers d’incrédules défilent en Australie, en France, en Italie au nom de “liberté! liberté! liberté!” et dans les villes, sur les plages, en vacances, des millions, des milliards sous la dictée des fous ânonnent: “prison! prison! prison!”.
Préparation
Testé le vélo de voyage sur l’ancienne route de Ainsa. Voilà deux mois que je distribue, accroche, sangle. Pour cette première sortie, j’ai chargé dans les sacoches le matériel que j’emporterai en Amérique, réchaud et embase, outils et veste, tente, trousse de toilette. L’assemblage guidon-potence-extension s’appelle dans le nouveau jargon le “cockpit”. J’en suis particulièrement fier: j’ai sous les yeux le GPS, le téléphone, la batterie reliée à la future dynamo et le phare avant. Il m’en a coûté: j’ai fait venir et renvoyé toutes sortes de produits. Je monte sur le vélo. Les talons heurtent les supports universels montés sur le triangle arrière — je déplace. Puis c’est l’extension de triathlon qui m’empêche de poser mes mains en position droite- je déboulonne, je reboulonne. Ensuite, les cales de chaussures clipées dans les pédales automatiques résistent — je manque tomber. Chaque fois, je m’arrête le long de la route, me pousse dans un coin d’ombre (il fait 35 degrés), sors les outils et ajuste. Ensuite, je teste l’accès au bidon. Cela à l’air anodin mais quand on roule attraper facilement sa boisson est important. Or, il est coincé dans sa cage. A corriger donc. Retour du vélo dans le salon, je commence une nouvelle série de modifications puis consacre l’après-midi étudier les logiciels de cartographie Strava, Komoot, Garmin.
Légume
Une douleur au ventre a démonté ma nuit. Un poivron tranché, frit, vite avalé, indigeste. J’ai essayé le pouvoir des mains, caressant dans un sens et dans l’autre pour répartir les brûlures, rien n’y a fait. Les heures passaient affichées en rouge contre le plafond par mon horloge à projection, je ne dormais pas. A sept heures, j’ai entendu les pleurs du nourrisson dans la maison voisine. Première fois que me réveille l’appel du biberon. J’ai continué de masser l’estomac. Il est midi.
Sujet de recherche
La division. Comment ces inventions diaboliques issues de laboratoires que sont l’antiracisme, le féminisme (en réalité néo-féminisme, car sans relation avec le féminisme), le devoir envers les sexuellement déviants, le droit de procréation artificielle, la doctrine guerrière du “zéro mort”, l’éloge de l’incapacité et ainsi de suite… avant l’escroquerie majeure que représentent le virus et la pandémie ont fait imploser toutes les formes de constructions sociales lestées d’un pouvoir de projection réel dans le temps et dans l’espace.
Horizon
Seul comme jamais. L’habitude fait l’homme. La société s’éloigne puis la planète. En cillant l’on aperçoit quelques mains se tendre qu’emporte la distance. Place au silence peuplé d’oiseaux, place aux matières verticales. Etablir un parcours. De l’aube à la nuit, à petit rythme, dans le plaisir des opérations choisies, cuisiner, courir ou rouler, lire, annoter, boire, sommeiller et dormir. Au loin (tout est lointain), les nouvelles se révulsent sur l’horizon telles des nuées. Afin de pourvoi, je bâtis des forteresses tranquilles; ici dans l’Espagne déserte plus aisées à édifier que dans les pays de saturation et d’amoncellement, il suffit de prendre pour souvenir et point d’ancre un hameau abandonné au moyen-âge que je connais d’ailleurs visuellement (il y en a des centaines) et de l’élever en imagination. Promesse qui obscurcit le désastre.
An 2 (Fin)
La grande peur devant la liberté! La fuite dans le contrôle! D’où le blanc-seing donné à des malveillants, hommes et femmes de la politique, de l’industrie et de la finance. Ceux-là divisés et triplement: ne veulent pas faire société, se revendiquent de la minorité compétente, méprisent tout ce qui n’est pas eux-mêmes. Ultima ratio: déclarer une guerre sans merci à l’autre, quel que soit son rang, son caractère, son origine — l’autre en général. Ectoplasmes que nos cons portant le titre de citoyens écoutent et vénèrent! Ces cons auront contribué à faire dérailler nos sociétés en adhérant depuis vingt mois aux prêches des encenseurs ! Qu’ils profitent donc des derniers mois de leur dernières vacances! Avec l’automne viendra la domestication numérique et la mise en batterie!
Mesure 2
A l’écran, la météo annonce : “dans 9 minutes pluie”. Je sors sur le pas de porte, les minutes passent, le ciel se couvre. J’attends, le ciel se découvre. Après le repas, je fais la sieste, me relève, m’habille. Il est dix-huit heures lorsque j’atteins le village de Canfranc au pied des Pyrénées aragonaises. Le temps de sortir le vélo du coffre, les premières gouttes tombent sur le bitume chaud. Je démarre contre la pente persuadé que l’orage va se dissoudre. A mi-hauteur, vers Riosetas, un berger se dresse sur la butte. “Change de direction si tu veux avoir l’orage derrière toi!”. Entre l’effort et le patois, je ne comprends pas. Arrivé à la douane haute, volets clos et libre passage (ce qu’il s’agissait de vérifier notre maire ayant été refoulé ces derniers jours). Grand plateau, petit braquet, je plonge vers la vallée de Bedous. Au premier virage, la pluie durcit. Un virage de plus, le vent fouette, les grêlons rebondissent, du cailloutis s’abat sur la chaussée. Je glisse à petite allure dans quelques centimètres d’eau vive. Quand je trouve le fond de la vallée, je tourne le vélo et remonte. Le soleil reparaît, le brouillard s’envole, la montagne ruisselle. Le silence est de retour. La tête baissée, les moutons recommencent à paître. Encore sept kilomètres de pente, puis de grands lacets jusqu’à Canfranc. Au village d’Agrabuey, le voisin me dit: “de la pluie! Ils en ont de la chance les Français!”.