Mesure 2

A l’écran, la météo annonce : “dans 9 min­utes pluie”. Je sors sur le pas de porte, les min­utes passent, le ciel se cou­vre. J’at­tends, le ciel se décou­vre. Après le repas, je fais la sieste, me relève, m’ha­bille. Il est dix-huit heures lorsque j’at­teins le vil­lage de Can­franc au pied des Pyrénées arag­o­nais­es. Le temps de sor­tir le vélo du cof­fre, les pre­mières gouttes tombent sur le bitume chaud. Je démarre con­tre la pente per­suadé que l’or­age va se dis­soudre. A mi-hau­teur, vers Riose­tas, un berg­er se dresse sur la butte. “Change de direc­tion si tu veux avoir l’or­age der­rière toi!”. Entre l’ef­fort et le patois, je ne com­prends pas. Arrivé à la douane haute, volets clos et libre pas­sage (ce qu’il s’agis­sait de véri­fi­er notre maire ayant été refoulé ces derniers jours). Grand plateau, petit bra­quet, je plonge vers la val­lée de Bedous. Au pre­mier virage, la pluie durcit. Un virage de plus, le vent fou­ette, les grêlons rebondis­sent, du caill­outis s’a­bat sur la chaussée. Je glisse à petite allure dans quelques cen­timètres d’eau vive. Quand je trou­ve le fond de la val­lée, je tourne le vélo et remonte. Le soleil reparaît, le brouil­lard s’en­v­ole, la mon­tagne ruis­selle. Le silence est de retour. La tête bais­sée, les mou­tons recom­men­cent à paître. Encore sept kilo­mètres de pente, puis de grands lacets jusqu’à Can­franc. Au vil­lage d’A­grabuey, le voisin me dit: “de la pluie! Ils en ont de la chance les Français!”.