France

Encadrement de la presse au moyen des sub­ven­tions; encadrement des man­i­fes­tants au moyen de la police.

Conseils à un jeune homme.

“Ne soyez pas de votre généra­tion. Ne dites pas: “Nous les jeunes.”. Fuyez leurs asso­ci­a­tions, qui ne visent qu’à la dom­i­na­tion tem­porelle. Rap­pelez-vous qu’en matière de pen­sée l’u­nion fait la faib­lesse. N’aimez pas votre temps parce qu’il est le vôtre. Essayez de le juger comme si vous étiez en l’an 3000.”   (Extrait de Les cahiers d’un clerc 1936–1949, Julien Benda). 

Est 24

Homme jeune et gros dans Bucarest. Vêtu d’un pan­talon de pyja­ma et d’un Mar­cel blanc, comme il passe devant une chapelle, il se signe et se signe et se signe. 

Est 23

Poubelle si petite que l’on ne peut rien y met­tre sinon cette affiche: tout détri­tus placé en dehors de la poubelle est sus­cep­ti­ble d’une amende de 5000 Lei.

Complexe

Si nous accep­tons cet inac­cept­able, que l’on chas­se la vie de nos sociétés, c’est que nous avons aupar­a­vant, cha­cun, à force de minus­cules con­ces­sions, muti­la­tions, renon­ce­ments chas­sé la vie de nos exis­tences. Aujour­d’hui soulagés d’en­ten­dre le pou­voir, les pou­voirs et leurs sup­plétifs don­neurs de leçons, agents de cau­tion, réas­sureurs, nom­mer vraie, juste, néces­saire cette attaque mas­sive con­tre la vie.

Est 22

Petite fille assise sur la ban­quette arrière de la voiture. Nous sommes dans un embouteil­lage à la périphérie de Sofia. Je lui souris. Elle sourit. Je fais un signe. Elle fait un signe. Remuant les lèvres, je par­le comme les muets. Elle m’imite. Puis le père comble le vide devant lui, la petite fille n’est plus là.

Etats-Unis (2)

Inca­pac­ité guer­rière des Améri­cains. Peur, pré­ten­tion, gabe­gie, chaos. Le ciné­ma est leur seule arme.

Est 21

Palais des Ceauces­cu. Aux alen­tours de cette colos­sale  pâtis­serie, le néant. Nous sommes same­di.  Depuis l’hô­tel, pas croisé une âme. La Dambovi­ta char­rie les eaux jaunes de l’or­age à tra­vers une ville fan­tôme.  Pourquoi? Le jour est-il férié? Je désigne les arcades. Celles qui devraient être ouvertes sont fer­mées. Les autres sont aban­don­nées, démolies, brûlées, effon­drées. De même que les immeubles. Deux sur trois sont borgnes. A l’hori­zon, le Palais. Presque ras­sur­ant. Evola l’a vis­ité il y a vingt ans. Nous entrons par la petite porte. Vingt vis­i­teurs, tous étrangers. Nous prenons la file pour obtenir un tick­et. Devant nous, un Français au pro­fil Guide Miche­lin. Sans un bon­jour, une grosse femme lui aboie dessus: “avez-vous réservé! Vous com­prenez ce que je dis! Alors, de côté!”. Le Français va rejoin­dre le groupe des refoulés que cha­peaute un bon­homme en uni­forme qui lui aus­si aboie. Evola à ce mot: “c’est pour nous met­tre dans l’am­biance”. Or ce sont juste des fonc­tion­naires. Frus­trés. Un same­di. Dans Bucarest. Fin du pro­jet de vis­ite. Le Français reste. Nous lui souhaitons bonne chance. Retour dans le parc Izvor. Jeux d’en­fants sans enfants. Kiosque à glace au rideau à demi tiré. Der­rière un bosquet, une tente de camp­ing. Puis, fran­chissant les grilles du parc, à nou­veau ces immeubles verts de mouss­es, bar­i­olés de graf­fi­ti, éven­trés, tombants. Evola annonce qu’il se réfugie dans sa cham­bre. Je fais pareil, aligne des pom­pes, prend une douche, bois une bière, aligne d’autres pom­pes. A la faveur d’une accalmie je sors, arpente les rues du dis­trict rouge, regarde les filles se pré­par­er, attends Evola sur la ter­rasse du Oktoberfest. 

Est 20

 Cris hor­ri­bles des chats.

Est 19

Coups de ton­nerre au-dessus de Bucarest. Des éclairs de chaleur stri­ent le gris du ciel. A nou­veau, grande dif­fi­culté à trou­ver l’hô­tel. Le Old Bucuresti. Les pho­togra­phies sont trompeuses. Notre époque de mar­ket­ing général abuse du grand angle. Les cham­bres ressem­blent à des salons, les bâti­ments à des build­ings, les jardins à des ter­rains de foot. Puis il y a la fatigue. Pour entr­er en Roumanie depuis Sofia, j’ai roulé sur la plus dan­gereuse des routes. La voie est étroite, bom­bée, brisée, mais rec­tiligne. Sur le côté, des putains gitanes, des paysans, des car­cass­es de voitures. Tout le monde dépasse. Le rétro­viseur? A quoi bon? Le cal­cul de la dis­tance? Inutile. L’an­tic­i­pa­tion? Pour les mau­vi­ettes. Ici, la con­duite est une affaire d’hon­neur. Il faut défi­er la mort. Quand je peux, je me cache der­rière un camion, quand c’est impos­si­ble je serre les dents. D’où cette fatigue à l’ar­rivée, après qua­tre heures d’ef­froi. Et la journée n’est pas finie. Main­tenant que nous avons repéré l’hô­tel, il s’ag­it de gar­er la Dodge. Le géomètre était amoureux. Les cas­es dess­inées au sol sont naines. J’es­saie. J’es­saie encore. Je renonce. L’or­age éclate. Le récep­tion­niste accourt avec un para­pluie. Il désigne  un ter­rain vague. “Un park­ing offi­ciel”, dit-il. Je m’y rends. Une paire de Roms m’ac­cueille. Trop heureux de me débar­rass­er de la voiture, je paie. Nous man­geons chez un Ital­ien. Avec la nuit, la pluie cesse. Nous sor­tons: mille per­son­nes dansent dans la rue au son de la tech­no, des filles a demi-nues aguichent depuis les estrades, les stro­bo­scopes tour­nent. Pas de virus dans cette cap­i­tale sauf à l’hô­tel où les restric­tions sont appliquées à la let­tre, pour les touristes, dès fois que ceux-ci se met­tent en tête de cri­ti­quer le plan san­i­taire de l’étab­lisse­ment (le délire est tout occi­den­tal). Le lende­main, Evola me réveille: “le gar­di­en du park­ing men­ace d’ap­pel­er la police”. Les Roms, rien à voir avec le ter­rain vague. De passage.