Terrain

Vis­ite à l’ar­chi­tecte des ter­res agri­coles des Val­lées occi­den­tales. L’homme a le physique tra­pu des paysans de mon­tagne, il porte une mous­tache affinée. Son bureau donne sur l’église de Fecho, une cigogne a son nid con­tre le clocher. ‑Le pont sur la riv­ière est cassé, lui dis-je. “Oh, ça oui, il est cassé”. ‑Depuis peu, me dit-on. “Oh, ça oui, deux ou trois ans”. ‑Tout de même! Vous pensez le répar­er? “Le répar­er? Non. Il n’y a pas l’ar­gent. Mais si vous obtenez l’ac­cord du garde foresti­er, vous pou­vez le répar­er”. ‑Sinon je ne peux pas tra­vers­er, pas rejoin­dre le ter­rain. “Oh, ça non!”. L’ar­chi­tecte tourne le plan, hoche la tête, me sourit: “c’est une belle terre ! Mais froide. Je me sou­viens, l’an­née dernière la route était coupée, je suis sou­vent passé par là, c’est l’en­droit le plus froid de la val­lée. Et puis il y a le ‘mul­ti­sport’ ”. ‑Cette sorte de chape? “Oui, un ter­rain de bas­ket ou de ten­nis, quelque chose comme ça. Inter­dit à moins de cent mètres de la riv­ière”. ‑Il est à côté “Oh, ça oui, à côté, juste à côté”. Décidé­ment l’homme est sym­pa­thique; je demande: ‑quel con­seil me don­ner­iez-vous? “Eh bien, allez voir le garde, par­lez-lui! Le mieux est de le ren­con­tr­er. Ne lui télé­phonez pas, allez le voir! Et pour les risques d’i­non­da­tion, il y a le maître des eaux. Celui-là, vous pou­vez l’ap­pel­er, c’est un gars de la ville, il a l’habi­tude du téléphone. 

Théâtre

-Bon­jour Michael! “Mon nom est Jean”. ‑Jean? Eh bien Jean, désor­mais vous serez Michael. Mon nom est Marc, même si ce n’est pas mon vrai nom. Vous com­prenez? Jean, avez-vous com­pris? Je com­mande. C’est moi qui com­mande. Moi, Marc. Voilà ce qu’il faut com­pren­dre. Main­tenant si je m’adresse à vous Michael, c’est que j’ai besoin d’une pièce. “Laque­lle?”. ‑La pièce man­quante. “La…? Mais encore?”. ‑Mais encore, mais encore! Quoi, mais encore? Jean, nous sommes dans un mag­a­sin, vous êtes le mag­a­sinier, je suis le client! Vous deman­dez quelle pièce? Je répète: LA pièce man­quante. Com­pris? Allons, servez ce client et revenez me voir! Je sais Jean… il fau­dra du temps pour trou­vez la pièce man­quante, mais croyez-moi Jean, vous la trouverez!

Juin

Sans con­sul­ter les don­nées tech­niques de la course, je m’in­scris hier à l’une des com­péti­tions de vélo ama­teur les plus dures d’Es­pagne la Que­bran­tahue­sos (Brise-os). Je croy­ais me sou­venir qu’elle comp­tait quelque 140 kilo­mètres. Or, ce sont 200 kilo­mètres et trois mil cinq cent mètres de dénivelé. Quelle que soit la pré­pa­ra­tion, vient un moment où la douleur à l’ef­fort fait bas­culer du sport dans la guerre (vers le 150ème kilomètre). 

Outre-tombe

Au sujet de Bona­parte, Châteaubriand écrit dans ses Mémoires: “Une expéri­ence jour­nal­ière fait recon­naître que les Français vont instinc­tive­ment au pou­voir: ils n’ai­ment point la lib­erté; l’é­gal­ité seule est leur idole. Or l’é­gal­ité et le despo­tisme ont des liaisons secrètes.”

Être

Hier au télé­phone, J. me dit: “En dehors de Genève, je ne suis rien”. A quoi, j’ai répon­du: “Avan­tage que j’ai sur toi, nulle part où je sois quelqu’un!”.

Rêve

La femme avec laque­lle je viens de pass­er la nuit ce matin est dou­ble. Elle appa­raît ici et là. L’une a le car­ac­tère per­fide, l’autre le car­ac­tère joyeux. Mais il y a plus urgent, par­tir pour Budapest en train. Dans la file qui mène au guichet, trop de monde. Je gagne des places et me poste devant un comp­toir de nour­ri­t­ure. “Un bil­let pour Budapest!”. Le cuisinier me répond: “il n’est servi qu’avec le goulash au riz”. Je com­mande le plat. Lorsque la louche du cuisinier s’en­fonce dans la mon­tagne de riz, je fais : “pas de riz sans ananas?”. “Non, répond l’homme, ici les étu­di­ant aiment l’ananas”. Le bil­let de train en main, je jette le goulash et monte dans ma voiture. Roule en direc­tion des mon­tagnes, entre dans un tun­nel. La piste sur laque­lle je con­duis est sur­mon­tée de pan­neaux “sens inter­dit”. Je freine. Un autre véhicule me précède. J’ac­célère, je le suis. Au débouché du tun­nel, je me trou­ve en alti­tude vêtu d’une com­bi­nai­son spa­tiale. Sur la gauche, une mosquée. Sa tour a été trans­for­mée en fusée. J’ex­plore le lieu. Il est entouré de précipices. Or, il y a de la neige au sol. Mon­té sur skis, le vide m’at­tire, je risque la chute. Je déchausse, cache les lattes sous un buis­son, com­prends alors que je suis pris­on­nier et me résigne à la vis­ite des mon­u­ments de la mon­tagne : la tour-fusée, la basilique mag­yare, le musée des sol­dats morts. 

Goût

Quel est ce goût qui pousse à livr­er son intim­ité? Y est-on si seul?

Droits de l’homme

Après la Suisse, la France refuse l’asile poli­tique à Julian Assange.

Constitution

Fidèle aux principes aux­quels pré­tend obéir l’Etat.

Cryptomonnaie

“Dans son court Traité des mon­naies, Nico­las Oresme, l’évêque de Lisieux, protes­tant con­tre la théorie sou­vent exprimée selon laque­lle la mon­naie était le fait du prince, affir­mait au con­traire qu’elle était le bien du peu­ple dont elle représen­tait le tra­vail et apparte­nait à la ‘com­mu­nauté’ au béné­fice de laque­lle elle devait être ‘forgée’ ”. Du bon usage de la guerre civile en France, Jacques Marseille.