Genève

Entré par une douane sec­ondaire dans la ville de Genève, ce qu’elle est dev­enue. Aplo plie ses dernières affaires. Olof­so est à la mai­son, pas revue depuis deux ans. Nous roulons sur l’au­toroute ser­rée, encom­brée, con­trainte qui longe le Léman. Le lan­gage perd en sou­p­lesse, le regard est lim­ité. Je me vois rouler dans une direc­tion quand c’est la direc­tion opposée que je voudrais pren­dre — au plus vite. Mais j’ai des côtes de bœuf du vin dans le cof­fre et il y a les enfants, et le tra­vail, après deux ans à mon­ter l’en­tre­prise il faut ven­dre. Est-ce qu’il pleut? “L’autre jour, c’é­tait mieux, dit Aplo, nous n’avons pas eu que de la pluie”. A l’in­stant, on pour­rait être n’im­porte où: au Col­orado ou dans le Yun­nan. Nous sommes devant Morges et ses entre­pôts de tra­vail, puis à Yver­don et Cor­tail­lod où nous atten­dons Luv au tram. Des Secu­ri­tas me ren­seignent : “je trou­verai de la bière au super­marché bien sûr!”. Il es vrai que j’au­rai dû for­muler la ques­tion autrement: “où est le super­marché?” A une rue, dans un bâti­ment ancien, bas, his­torique, léché, gris taupe. Au caissier africain je demande si je peux pay­er avec un bil­let de Fr. 1000.- (ce que vous dis­tribue la banque): il pense que je plaisante. Nous instal­lons le van au bord du lac de Neuchâ­tel, à Petit-Cor­tail­lod. L’herbe est un gazon, les arbres sont ver­nis, les bancs luisants. Il pleut. Il n’ar­rête pas de pleu­voir. Un Anglais réfugié tient camp­ing dans ce par­adis. Aimable, mal­ha­bile, il rédi­ge avec soin la fac­ture: “met­tez-vous où vous voulez!”. Par la fenêtre de la case qui sert de récep­tion j’indique le van. Il se penche, il approu­ve. Nos voisins, des Français tra­vailleurs pau­vres. De l’autre côté de la haie, les locaux. Ils poussent des bébés bien nour­ris dans des pous­settes de luxe. Grand plaisir de retrou­ver les enfants. Bilan des études de Luv, démé­nage­ment d’Ap­lo à Zurich, par­ents de leurs cou­ples, com­ment ils sont, ce qu’ils font, et nous cuisi­nons en gabar­dine et nous grelot­tons dans le printemps.