Que faire ? A quoi rime ce jeu? Je n’y vois goutte. Bâton devant, je sonde le sol, j’avance. Il faut tenir la distance entre les deux murs. Le couloir du labyrinthe se resserre. Puis il fait un coude, il s’élargit. Je suis renvoyé d’où je viens. Il n’y a pas de lune. Les palmiers flottent. Un vent léger traverse la jungle. Les bambous claquent des dents : tchac-tchac. Maintenant des racines gonflent sous mes pas. Il faut ralentir. J’enjambe. Et je progresse. A nouveau je suis arrêté. Quelque chose. Un tronc? Un pas de côté, en se tenant au mur. De grosses pierres rondes noires, je ne sais pas. Des oiseaux crient. Il fait nuit. Dix minutes que je erre. La fatigue me rattrape. Pas celle du corps, celle de l’esprit. Ce jeu tombe au mauvais moment: encore abruti par le vol de Madrid, la nuit à l’hôtel Revolución, le second vol vers Mérida, la journée en ville, la course en voiture, pour aboutir ici, dans ce noir. Mais il faut continuer, marcher devant soi — ce que je fais. Soudain je m’arrête. Marcher, on ne peux plus: jaillis de terre, des fûts bloquent le passage. Soulagement. J’ai trouvé. C’est la réponse qu’il s’agit de ramener au maître du labyrinthe: une fois reconnu l’obstacle, comprendre que l’« on ne peut pas » et rebrousser chemin. Ce que je fais. Le pas est mieux assuré, plus rapide, je crois reconnaître des pans de ciel, des morceaux de mur. Dix minutes pour revenir au point de départ. Enfin je débouche sur la place des Quatre éléments. Je prends la sente qui conduit à l’entrée de l’hacienda, devant le portail j’appelle le gardien. Il refuse le bâton que je luis tends.
-Non, non, fait-il atterré. « El patrón » veut que vous alliez au bout !
-Ben voyons…
Le gardien reste ferme : il faut.
Donc je retourne dans le labyrinthe. A nouveau je choisis terre. Et je marche. Plus vite. Jouant du bâton. Ecartant les bambous, glissant sous les palmes. Arrivé au fond des sinuosités, au fond du labyrinthe, je prends la mesure de cet obstacle, l’obstacle qui obstrue le passage. Ce n’est pas impossible. Suffit de ne pas être gros. Je ne le suis pas. D’avoir le corps souple. Voyons… Je me tords, je me contorsionne. Pour ramener le reste du corps, je tire. Voilà, je suis passé. De l’autre côté de l’obstacle, à nouveau le couloir de pierre. Qui conduit à d’autres couloirs de pierres. La marche reprend. Je sors enfin du labyrinthe et trouve Juan et Toldo assis devant une fontaine aux anges.
-Tu étais où ?