Páramo

“Et se couper les cheveux?” Sim­ple sug­ges­tion. LM trou­ve l’idée excel­lente. Juste­ment, nous sommes à La Calera, au-dessus de Bogo­ta, au-delà du páramo, cette végé­ta­tion d’un vert lux­u­ri­ant qui tapisse les lèvres du vol­can et dis­tribue l’eau de rosée vers la plaine, et il y a au vil­lage une rue des coif­feurs. Au ciseau une femme fraîche­ment battue, d’abord aphone, puis peu à peu, mise à l’aise par le babil inces­sant de LM, ragail­lardie. Elle coupe la moitié de ce que LM a sur la tête et il en reste: c’est dire. J’en prof­ite, mais pour moi ce sera juste les rou­fla­que­ttes et le con­tour des oreilles (il n’y a d’ailleurs pas grand chose de plus). De retour sur la place du vil­lage où nous man­geons de la panse de cochon au riz, je vois que si la dame a bien réus­si LM (cheveux colom­bi­ens) elle a mal réus­si ma tête (cheveux étrangers), prob­a­ble­ment faute d’os­er. Puis nous mon­tons (dans ce pays on ne fait que mon­ter) saluer un ami de LM écrivain-jour­nal­iste-homme de télévi­sion. Il nous reçoit dans une mai­son indi­vidu­elle con­stru­ite, comme tout ce que je vois depuis mon arrivée, avec des bouts de ficelle mais qui a l’a­van­tage d’of­frir une vue splen­dide sur des pâturages dignes de la Glâne fri­bour­geoise (ne s’y étant pas trompés des Suiss­es ont instal­lé des fer­mes dans la région) et nous emmène dans un courette où jouent un chien pataud et la fille de la bonne. Pen­dant que LM et l’hôte échangent un flux de paroles dont je ne sai­sis pas un mot, la gamine shoote le bal­lon et ren­verse encore et encore l’écuelle d’eau du chien. Plus étrange, l’hôte, sans arrêter la con­ver­sa­tion, assène de temps à autre des coups de pieds du type “low-kick” à un punch­ing-ball sus­pendu en tra­vers de la courette.